La triste blague des journées pédagogiques
Lorsqu’il fut question de rattraper les semaines de classe perdues à cause des grèves, des barbares comme moi ont suggéré de laisser tomber quelques journées pédagogiques. Outrage !
Nous nous sommes fait rappeler à l’ordre à la fois par les syndicats et par les défenseurs du système. Les journées pédagogiques sont essentielles, intouchables. « Il faut ne rien comprendre aux écoles pour penser que l’on pourrait s’en priver tout bonnement », me suisje fait expliquer.
Quelques semaines plus tard, des Einstein de l’organisation scolaire décrètent des fermetures d’école pour la journée de l’éclipse solaire, le 8 avril. Cette décision déplaît à plusieurs parents qui y voient un ixième prétexte pour fermer les écoles. Cette décision déplaît aux scientifiques qui considèrent que le rarissime événement aurait dû, au contraire, être l’occasion d’une activité pédagogique exceptionnelle.
Pour sauver la face, les centres de services scolaires jurent ne pas ajouter une journée de congé. Ils ont simplement déplacé une journée pédagogique qui était prévue plus tard dans le calendrier. Oh ! Tout à coup la journée pédagogique n’est plus immuable et intouchable. On la change de mois sans impact.
Et puis, il y a cette bataille rangée qu’ont menée les syndicats de l’éducation pour que des journées pédagogiques puissent se dérouler en télétravail. Ils ont gagné et en ont obtenu cinq. Si l’on se fie à la réticence qu’exprimaient les directions d’école, certains semblent douter du fait que ce sera aussi « productif ».
Je vous donne mon avis : le nombre de journées pédagogiques au Québec est une farce. Parmi toutes les provinces canadiennes, le Québec a de loin le plus grand nombre de journées pédagogiques insérées dans son calendrier scolaire. Si on y ajoute les jours fériés, des parents ont l’impression que les semaines normales de cinq jours sont moins d’une sur deux.
CHIFFRES COMPARATIFS
Le Québec prévoit 20 journées pédagogiques annuellement. Vous voulez savoir ce qu’il en est ailleurs au Canada ?
Sept en Ontario. Huit ou neuf au Manitoba. Entre trois et quinze en Saskatchewan. Entre cinq et treize en Alberta. Six en Colombie-Britannique. Deux à Terre-Neuve. Deux ou trois en Nouvelle-Écosse. Dix à l’Île-du-PrinceÉdouard. Deux au Nouveau-Brunswick.
Plus de journées pédagogiques signifient moins de jours en classe. On vise en moyenne 190 jours de classe par année dans le reste du Canada, dix de plus qu’au Québec. On dira que davantage de jours d’école ne sont pas automatiquement synonyme de meilleur système d’éducation. Les données font néanmoins réfléchir...
LES JOURNÉES « TEMPÊTE »
Je pourrais ajouter dans l’équation le ridicule des journées prévues pour les tempêtes de neige ou autres intempéries. Évidemment, dans un climat comme le nôtre, la sagesse élémentaire suggère d’en prévoir quelques-unes. Mais si la météo ne force pas assez de fermetures, il m’apparaît absurde de les transformer en journées pédagogiques supplémentaires qui seront insérées comme ça dans le calendrier printanier.
Dans une année scolaire normale, on vit les journées pédagogiques sans se questionner. Par habitude. Mais dans une année scolaire où tant de semaines ont été perdues, le ridicule des journées pédagogiques saute au visage.