Le Journal de Montreal

Un ami inoubliabl­e

- Michel.beaudry@ quebecorme­dia.com

On s’était promis. En mars, dès mon retour de l’Amérique centrale, soit demain ou dimanche, on allait jouer au golf. Réal Massé avait une maison en Floride, mais c’était surtout pour les enfants, les amis, les autres. Mais là, il allait faire exception. Lui, son trip depuis près de 40 ans, c’était sa pourvoirie, la pêche, la chasse, ses clients, ses clips à la télé, sa cuisine exceptionn­elle, ses visiteurs en motoneige et même ses pourvoyeur­s-compétiteu­rs auxquels il vouait un respect précieux.

Je vous le dis, Réal c’était un homme exceptionn­el qui aimait son prochain comme tu ne vois pas souvent. Les enfants, les vieux, les néophytes, les experts, les connus ou les incognitos... tous devaient rencontrer le boss avant de mettre une ligne à l’eau. Des conseils, des trucs, des ruses, des astuces et un clin d’oeil. S’il n’aimait pas la cuillère de ta ligne, il t’en donnait une autre. Pas « vendait » une autre. Il te la donnait. Tous les matins, pas de congé, avant sept heures, il était dans son local, son bureau, et, deux heures plus tard, il savait précisémen­t où était chacun de ses clients. La journée n’était pas terminée et il était bien conscient de qui avait fait une belle pêche et de qui en avait arraché sur le territoire. Tout était rééquilibr­é dans les heures suivantes et personne n’allait quitter le site sans un succès total. C’était Réal.

SES COMPLICES

Réal et ses complices. Les employés qu’il logeait lui-même dans la région, sa fille, son gendre, sa petite fille, sa femme et tout le monde portaient fièrement les couleurs de la pourvoirie, la plus grosse et probableme­nt la plus exceptionn­elle du Québec... du Canada.

À moins de deux heures de Montréal, à Saint-Zénon, il a investi mon pays en 1986 en disant qu’il était le sien. Je suis du village voisin (Sainte-Émélie) et il avait acheté de Léonard Bellerose qui avait un lien de parenté avec moi. On riait de l’entendre dire et crier « Au pays de Réal Massé... »

Aujourd’hui, je peux vous dire qu’il a enva

hi le pays et le pays l’a bel et bien adopté.

IL A INSTALLÉ SON RÊVE

Il a acheté ce territoire, il a rebâti les installati­ons et il a installé son rêve qui est merveilleu­x. Y aller, c’est y retourner. À moins de deux heures de Montréal, jamais vous ne trouverez autant de bonnes idées, de notions renversant­es et de thèmes aussi fascinants. Il y a une chapelle où plusieurs clients y ont exposé l’urne de leurs cendres. À côté, le mini-putt, dans le bois, neuf trous d’un golf de haute qualité et un site de tir aux pigeons d’argile. Tout le monde se déplace en kart (comme au golf), les équipement­s près des lacs sont on ne peut plus sur la coche.

Réal s’est toujours donné comme mission d’ensemencer plus de truites (arc-en-ciel ou mouchetés) qu’il ne s’en pêchait chaque année. Des dizaines et des dizaines de milliers de dollars de poissons ajoutés afin que tous quittent les lieux avec une réussite assurée. Des employés qui apprêtent adroitemen­t et congèlent votre pêche comme si c’était la leur. Réal y tenait mordicus. C’était une loi.

Tous les jours, le vieux Réal disparaiss­ait en milieu d’après-midi. Seul dans un gymnase qu’il avait aménagé, il allait s’entraîner. Impossible de le déranger, c’était son refuge. Imaginez, 83 ans et ce rythme de fou il le tenait depuis des années. Il allait bûcher dans le bois, conduisait sa machinerie et s’impliquait dès qu’il y avait des travaux. D’ailleurs, il s’est fait couper un doigt d’un coup de hache et il trouvait ça comique.

Aussi, il n’était pas rare, en début de soirée, de le retrouver à la cuisine. Il adorait faire la vaisselle. Un fou, je vous dis.

RENÉ-CHARLES ANGÉLIL

Souvent, il m’appelait pour m’engueuler parce que je ne montais pas assez souvent à Saint-Zénon et notre conversati­on finissait sur le Canadien auquel il vouait une admiration inusable. Il adorait recevoir la visite de joueurs ou d’anciens, d’artistes, de politicien­s. Un jour, j’ai amené René-Charles Angélil qui avait alors 17 ou 18 ans et Réal lui avait demandé ce qu’il voulait faire plus tard. J’avais répondu à sa place. J’avais dit tout simplement: « Compter ! »

Salut, mon vieux Réal. Je n’irai pas jouer au golf en Floride et, l’été prochain, sur le lac à la Loutre, devine à qui je vais parler même si je serai seul dans la chaloupe ? Un ami inoubliabl­e.

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