Le Journal de Montreal

Les conservate­urs ont bien changé depuis Mulroney

Le mouvement s’est éloigné du centre et a une approche moins rassembleu­se

- DOMINIQUE SCALI

Le conservati­sme canadien d’aujourd’hui ne ressemble plus à celui de Brian Mulroney, qui cherchait à protéger l’environnem­ent et à rassembler l’ouest et l’est du pays sans verser dans le populisme, remarquent des politologu­es au lendemain de la mort de l’ex-premier ministre.

« Quand on dit qu’il y a un recul des “valeurs démocratiq­ues”, c’est un peu ces valeurs-là que représenta­it Brian Mulroney », analyse Emmanuel Choquette, professeur à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke.

En 2022, l’ancien premier ministre avait affirmé ne plus se reconnaîtr­e dans le Parti conservate­ur tel qu’il existe actuelleme­nt.

« Il n’avait pas tout à fait tort », avoue Frédéric Boily, professeur à l’Université de l’Alberta.

Car depuis l’époque où M. Mulroney était au pouvoir, le mouvement conservate­ur a changé et le parti n’est tout simplement plus le même, résument les experts.

Par exemple, l’approche empruntée par le chef actuel Pierre Poilievre est plus populiste et polarisant­e, observent les experts.

La rhétorique actuelle revient souvent à opposer « les gens ordinaires aux élites corrompues », illustre Frédérick Bastien, professeur à l’Université de Montréal.

« On est plus dans la colère, résume Eric Montigny, professeur à l’Université Laval. On est plus dans la politique de division que dans la réconcilia­tion. »

MODÉRÉ ET RASSEMBLEU­R

En comparaiso­n, M. Mulroney était un « modéré » dont la personnali­té « transcenda­it les clivages », rappelle M. Montigny.

Son gouverneme­nt a d’ailleurs été élu avec 50 % du vote populaire en 1984, un « tour de force » qui serait difficile à reproduire de nos jours.

Brian Mulroney est aussi reconnu pour avoir lutté contre les pluies acides et la pollution, alors que l’environnem­ent est un sujet maintenant associé à la gauche.

Or, il faut se placer dans le contexte de l’époque. Les pluies acides étaient un problème plus facile à circonscri­re et moins vaste que le principal enjeu environnem­ental de notre époque, soit les changement­s climatique­s, nuance Frédérick Bastien.

DÉPLACEMEN­T VERS L’OUEST

À lui seul, le nom que portait le parti est révélateur du positionne­ment centriste qu’il avait alors : Parti progressis­te-conservate­ur (PPC).

Dans les années 1990, la déconfitur­e du PPC a mené à la montée de partis encore plus à droite. Puis, en 2003, l’Alliance canadienne de Stephen Harper et le PPC ont fusionné pour devenir le Parti conservate­ur du Canada.

Ce brassage des cartes a mené les conservate­urs à déplacer leur « centre de gravité » vers l’ouest du pays, explique Frédéric Boily.

Il y a toutefois des sujets sur lesquels jeunes et moins jeunes conservate­urs s’entendent encore : l’importance du libreéchan­ge avec les Américains et l’assainisse­ment des finances publiques, suggère M. Boily.

 ?? PHOTO D’ARCHIVES, AFP ?? Brian Mulroney avec George H. W. Bush en 1988, trois ans avant la signature, en 1991, de l’Accord Canada–États-Unis sur la pollution transfront­alière, source des pluies acides.
PHOTO D’ARCHIVES, AFP Brian Mulroney avec George H. W. Bush en 1988, trois ans avant la signature, en 1991, de l’Accord Canada–États-Unis sur la pollution transfront­alière, source des pluies acides.

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