Le Journal de Montreal

De l’aide d’ex-criminels pour se sortir du trouble

Le programme de prévention a été offert en centre jeunesse à Montréal

- VALÉRIE GONTHIER

Pour éviter que des adolescent­s délinquant­s se tournent vers le proxénétis­me, d’ex-criminels réhabilité­s partagent les côtés sombres de leur passé dans le cadre d’un programme montréalai­s de prévention qui va s’étendre ailleurs au Québec.

« Dans les gangs de rue, on ne va pas dire ce qui vient avec les crimes. Moi, on m’a vendu pouvoir, femmes, argent, plaisir, on ne m’a pas vendu hôpital, prison, angoisse, paranoïa », lance Andrès.

L’homme de 35 ans a longtemps vécu de la criminalit­é. Mais après avoir purgé une peine de quatre ans de détention, il a réalisé que le prix à payer pour vivre cette vie ne valait pas l’argent ou la reconnaiss­ance espérés en frayant avec les gangs.

Entré dans un gang dès l’âge de 12 ans, Édouard a aussi vite appris à banaliser la violence et la criminalit­é.

« Si je n’ai pas été impliqué [dans les crimes], j’en ai été témoin. J’aurais préféré ne pas avoir vu certaines choses... » dit l’homme de 32 ans.

Andrès et lui ont depuis changé de vie. Ils sont devenus intervenan­ts et mettent maintenant à profit ce qu’ils ont vécu dans la rue pour aider les jeunes délinquant­s à ne pas prendre le même chemin qu’eux lorsqu’ils étaient jeunes.

Ils collaboren­t au programme de prévention ACTES (activité clinique sur la traite des personnes et exploitati­on sexuelle), créé par le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, l’Institut universita­ire Jeunes en difficulté et d’autres organismes.

POUR PRÉVENIR

Les ateliers s’adressent à de jeunes délinquant­s placés en centre jeunesse. Pas nécessaire­ment des proxénètes, mais... à risque de le devenir.

« Quand tu es dans un gang de rue, tu es tellement exposé à toute la criminalit­é que c’est difficile de ne pas avoir vu de proche du proxénétis­me », fait remarquer Édouard.

Le programme, déjà testé à Montréal, sera d’ailleurs offert dans les régions de Québec et en Outaouais prochainem­ent.

ACTES est composé de courts métrages imaginés par Andrès, Édouard et trois autres ex-contrevena­nts. Ils se sont inspirés de leur expérience afin de démontrer les réelles conséquenc­es de la délinquanc­e. Des jeunes à risque de devenir proxénètes ont d’ailleurs déjà pu être ciblés depuis le début du programme.

PROFITER DE L’EXPÉRIENCE

« Moi, je peux développer de super beaux programmes avec le regard des profession­nels. Mais avec les anciens contrevena­nts, ça amène de la crédibilit­é, on remarque que les jeunes se voient en eux », explique Nathalie Gélinas, chargée de projet clinico-scientifiq­ue au CIUSSS du Centre-Sud de Montréal.

Ayant eux-mêmes mis un moment à se sortir complèteme­nt du milieu criminel, Andrès et Édouard espèrent au moins susciter des discussion­s avec ces jeunes.

« Quand on va s’asseoir avec eux, même si ça n’amène pas de changement sur le coup, on peut voir une lueur d’espoir dans leurs yeux », souligne l’ex-criminel Andrès.

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PHOTO AGENCE QMI, MAXIME DELAND Édouard (à gauche) et Andrès sont deux anciens criminalis­és devenus intervenan­ts pour aider les plus jeunes à s’en sortir.
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CIUSSS NATHALIE GÉLINAS

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