Le Journal de Montreal

Une bouée nommée laïcité

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François Legault était pratiqueme­nt assuré d’enregistre­r un gain cette semaine. Une décision favorable sur la laïcité en Cour d’appel est une victoire dont il avait cruellemen­t besoin. Mais en cas de défaite, il aurait pu déchirer sa chemise et revêtir sa cape de Capitaine Québec.

En septembre 2019, à l’hôtel Lévesque de Rivière-du-Loup, Simon Jolin-Barrette et François Legault avaient été accueillis en héros de la laïcité par les militants en délire, en marge du caucus de rentrée de la CAQ.

Les députés revenaient de vacances, après un été à se faire féliciter pour l’adoption de la loi interdisan­t le port des signes religieux aux employés de l’État en position d’autorité.

Le parti avait entrepris sa nette domination dans les sondages.

Dopés par l’effet de la laïcité, les élus caquistes avaient des ailes.

Le portrait a changé.

Après une campagne électorale difficile en 2022, tout a tourné en eau de vaisselle pour François Legault.

Au point où, depuis le retour de la période des Fêtes, on perçoit chez les caquistes une volonté de revenir au « jeu de base ».

LAÏCITÉ, LANGUE

Ce qui a fait le succès du parti, outre la remise d’argent dans les poches des contribuab­les, c’est la laïcité, la défense de la langue, le nationalis­me.

Les stratèges ont compris que leur chef avait été surexposé et que, franchemen­t, il avait perdu son pouvoir d’attraction.

Ses sorties publiques sont réduites. Il répond aux questions des journalist­es dorénavant seulement une fois par semaine au parlement.

La CAQ trouve le moyen malgré tout d’attirer les railleries, notamment cette semaine avec une consultati­on bidon sur le troisième lien.

Si le gouverneme­nt avait vraiment voulu obtenir un maximum d’éclairage sur l’opinion des citoyens et des idées en matière de transport, la consultati­on aurait été menée de façon plus rigoureuse, et plus tôt, pour inspirer la CDPQ Infra qui fera des recommanda­tions.

Tout de même, en ce début d’année 2024, le gouverneme­nt a préparé différente­s sorties dans l’espoir de créer un effet.

La lettre du PM à Justin Trudeau sur les demandeurs d’asile en janvier.

La sortie musclée des quatre ministres la semaine dernière pour ajouter de la pression sur le fédéral.

Le dépôt du projet de loi pour renouveler la clause dérogatoir­e protégeant l’interdicti­on des signes religieux des recours judiciaire­s.

Un nouveau plan sur la langue de Jean-François Roberge, que la CAQ garde comme une carte dans sa manche, sera aussi dévoilé d’ici l’été.

LE BEAU RÔLE

La décision de la cour d’appel sur la loi 21 tombe à point nommé dans cette succession d’ingrédient­s de la recette de base.

Le chef caquiste n’allait pas bouder son plaisir.

Avant même de connaître la décision de la cour, son entourage a signalé qu’il ferait une déclaratio­n sur la laïcité en fin de journée jeudi.

L’intention de se raccrocher à ce symbole fort et populaire était évidente.

En eaux troubles ces derniers mois, le retour à la défense de la séparation entre l’État et la religion apparaît comme une bouée.

Le chef caquiste est loin d’être tiré d’affaire, mais le débat à ce sujet lui permet de jouer le beau rôle à nouveau, aux yeux d’une majorité de Québécois.

Même si François Legault se disait obsédé par l’éducation, et qu’il mise beaucoup sur la filière batterie, la laïcité sera probableme­nt son principal legs politique… à moins qu’elle soit un jour renversée par la Cour suprême.

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La décision favorable en Cour d’appel sur la laïcité est une victoire dont François Legault avait cruellemen­t besoin.

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