Agressé en série… il y a 65 ans
Son frère abuseur de 87 ans vient d’écoper de deux ans de prison après un jugement lapidaire à Saint-Hyacinthe
Malgré son âge avancé, un homme de 87 ans a pris le chemin des cellules pour 24 mois pour avoir commis des abus sexuels à répétition sur son jeune frère il y a maintenant 65 longues années.
« Je n’ai plus besoin de rien cacher, a lancé à travers les sanglots sa victime, aujourd’hui âgée de 75 ans, dans un cubicule du palais de justice de SaintHyacinthe jeudi. Je suis libéré, parce que je me suis vidé. J’ai dit la vérité. »
Quelques minutes avant de s’entretenir avec Le Journal, une page sombre de sa vie était enfin tournée.
Son frère de 87 ans a été condamné à deux ans de taule, pour des abus vieux de six décennies.
« Je [suis] content en sacrament », a réagi la victime, dont l’identité est protégée par le tribunal.
GAMIN PRIS AU PIÈGE
Le délinquant aurait commencé à faire des attouchements sur son frère de neuf ans en 1958 alors qu’il était dans la vingtaine.
Il était responsable du petit puisque leur mère était malade. Quand les deux frères partageaient le même lit, la victime était « prise au piège » entre un mur et son agresseur.
Les contacts sexuels pourraient avoir eu lieu de deux à trois fois par semaine sur une période de 16 à 24 mois.
L’accusé aurait donc sévi jusqu’à 300 fois, avait calculé Me Claudie Gilbert, de la Couronne.
Jeudi, le juge Marc-André Gauthier a longuement expliqué le raisonnement l’ayant mené à imposer l’emprisonnement, plutôt qu’une peine dans la collectivité.
« Même si ça s’est passé il y a longtemps, aujourd’hui [avec] la conscience qu’on a de l’impact de ces gestes-là sur les victimes, on est davantage renseigné que nous l’étions à l’époque », a-t-il souligné à l’octogénaire, qui s’est plus tard assis dans le box des accusés, impassible.
Le plaignant dans cette affaire a d’ailleurs dû traîner son lourd secret tout en côtoyant son frère indigne pendant des décennies.
« J’essayais de ne pas y penser. En parler à quelqu’un, c’est de l’ouvrage. Surtout quand t’es marié et que t’as deux enfants, et les petits-enfants arrivent », indique le plus jeune d’une fratrie de 11 enfants.
COURAGE À DEUX MAINS
Mais en 2019, le septuagénaire a pris son courage à deux mains. Il a concocté une lettre pour dévoiler les agressions à son entourage et a alerté la police.
« Je n’étais plus capable de vivre avec ça », résume celui qui veut envoyer un message d’espoir aux victimes de crimes sexuels.
Les allégations ont divisé la famille, mais il ne regrette rien. Et bien que les procédures se soient éternisées pendant cinq longues années, le septuagénaire a pu compter sur l’appui indéfectible de ses proches.
« J’ai voulu [abandonner]. Mes enfants et ma femme ne voulaient pas que j’arrête. Ça a passé proche souvent, dit le nouveau retraité. Qu’importe la sentence, ça vaut la peine pareil. »
Notons qu’au premier jour du procès, l’accusé, représenté par Me Brigitte Martin, a plaidé coupable au seul chef d’accusation qui pesait contre lui, mais affirmait avoir brisé la loi une seule fois.