Legault doit regretter d’avoir planté notre Cour d’appel
La semaine dernière, en réaction à une décision défavorable de la Cour d’appel, François Legault a fait une petite montée de lait pour défendre le droit de réserver nos garderies pour « les petits Québécois ». Le même tribunal vient de lui donner raison sur la loi 21 et tout d’un coup, c’est vraiment une institution merveilleuse !
Il y a plusieurs aspects intéressants dans cette décision, dont, notamment, sa prise de position bien assumée sur la fameuse « clause nonobstant ».
Rappelons que cette clause permet au législateur, c’est-à-dire aux élus, de nier des droits, même fondamentaux. Tout ce qu’ils ont à faire, c’est de dire que leur loi va s’opérer malgré les droits autrement garantis. Ce qui est unique, ici, c’est l’insistance.
Notre plus haut tribunal québécois voit la clause nonobstant non pas comme une atteinte aux droits, mais comme un mécanisme qui garantit le droit des élus d’avoir le dernier mot, quitte à en assumer le prix politique.
Contrairement au juge de première instance dont la décision avait été contestée, la Cour d’appel s’est abstenue de donner une opinion quant au caractère discriminatoire (ou non) des dispositions de la loi 21. Les juges de la Cour d’appel ont plutôt affirmé unanimement qu’une fois le « bouclier nonobstant » mis en place conformément à la Charte, il n’était pas opportun pour eux de donner leur opinion sur la question.
ÉDUCATION ET MINORITÉS LINGUISTIQUES
Dans la foulée de la décision, les avocats pro-loi 21 s’autofélicitaient pour leur victoire « sur toute la ligne ». Par contre, les avocats de l’État québécois risquent de découvrir que dans le cas des commissions scolaires de la minorité anglophone, il y a des nuances importantes.
Oui, les règles discriminatoires interdisant l’embauche d’une enseignante musulmane qui porte un foulard s’appliqueront autant dans une école d’une commission scolaire anglophone que dans une école relevant d’un centre de services scolaire francophone. Les juges ont trouvé que ça n’avait rien à voir avec l’enseignement en anglais.
Mais attention, il y a aussi, au paragraphe 605 de ce jugement, des indications stipulant que le droit constitutionnel de la minorité linguistique anglophone de contrôler et gérer leurs « établissements » scolaires pourrait exclure certaines contraintes sur l’utilisation de l’anglais, contraintes qui se retrouvent dans l’application de la loi 96.
Legault est aussi ravi de la décision de la Cour d’appel que Trudeau a de raisons d’être inquiet.
ON S’EN VA DIRECT EN COUR SUPRÊME
Justin Trudeau doit vivement regretter sa décision de ne pas envoyer toutes ces questions directement à la Cour suprême.
Sa procrastination lui a valu la patate chaude politique de sa carrière. J’écoutais un des avocats, qui venait de gagner, affirmer que ce n’était pas la peine pour la Cour suprême de se pencher là-dessus, tellement la décision du plus haut tribunal québécois était claire. Disons que c’est d’un optimisme débordant.
C’est certain que la Cour suprême du Canada sera obligée d’entendre l’appel de ce qui s’avère être une des plus importantes décisions constitutionnelles depuis une génération.
L’audition en Cour suprême va forcer Trudeau à se brancher, enfin, et risque d’avoir une influence majeure sur la prochaine campagne électorale fédérale.