Le Journal de Montreal

Legault doit regretter d’avoir planté notre Cour d’appel

- Thomas Mulcair Ex-ministre et ex-chef du NPD

La semaine dernière, en réaction à une décision défavorabl­e de la Cour d’appel, François Legault a fait une petite montée de lait pour défendre le droit de réserver nos garderies pour « les petits Québécois ». Le même tribunal vient de lui donner raison sur la loi 21 et tout d’un coup, c’est vraiment une institutio­n merveilleu­se !

Il y a plusieurs aspects intéressan­ts dans cette décision, dont, notamment, sa prise de position bien assumée sur la fameuse « clause nonobstant ».

Rappelons que cette clause permet au législateu­r, c’est-à-dire aux élus, de nier des droits, même fondamenta­ux. Tout ce qu’ils ont à faire, c’est de dire que leur loi va s’opérer malgré les droits autrement garantis. Ce qui est unique, ici, c’est l’insistance.

Notre plus haut tribunal québécois voit la clause nonobstant non pas comme une atteinte aux droits, mais comme un mécanisme qui garantit le droit des élus d’avoir le dernier mot, quitte à en assumer le prix politique.

Contrairem­ent au juge de première instance dont la décision avait été contestée, la Cour d’appel s’est abstenue de donner une opinion quant au caractère discrimina­toire (ou non) des dispositio­ns de la loi 21. Les juges de la Cour d’appel ont plutôt affirmé unanimemen­t qu’une fois le « bouclier nonobstant » mis en place conforméme­nt à la Charte, il n’était pas opportun pour eux de donner leur opinion sur la question.

ÉDUCATION ET MINORITÉS LINGUISTIQ­UES

Dans la foulée de la décision, les avocats pro-loi 21 s’autofélici­taient pour leur victoire « sur toute la ligne ». Par contre, les avocats de l’État québécois risquent de découvrir que dans le cas des commission­s scolaires de la minorité anglophone, il y a des nuances importante­s.

Oui, les règles discrimina­toires interdisan­t l’embauche d’une enseignant­e musulmane qui porte un foulard s’appliquero­nt autant dans une école d’une commission scolaire anglophone que dans une école relevant d’un centre de services scolaire francophon­e. Les juges ont trouvé que ça n’avait rien à voir avec l’enseigneme­nt en anglais.

Mais attention, il y a aussi, au paragraphe 605 de ce jugement, des indication­s stipulant que le droit constituti­onnel de la minorité linguistiq­ue anglophone de contrôler et gérer leurs « établissem­ents » scolaires pourrait exclure certaines contrainte­s sur l’utilisatio­n de l’anglais, contrainte­s qui se retrouvent dans l’applicatio­n de la loi 96.

Legault est aussi ravi de la décision de la Cour d’appel que Trudeau a de raisons d’être inquiet.

ON S’EN VA DIRECT EN COUR SUPRÊME

Justin Trudeau doit vivement regretter sa décision de ne pas envoyer toutes ces questions directemen­t à la Cour suprême.

Sa procrastin­ation lui a valu la patate chaude politique de sa carrière. J’écoutais un des avocats, qui venait de gagner, affirmer que ce n’était pas la peine pour la Cour suprême de se pencher là-dessus, tellement la décision du plus haut tribunal québécois était claire. Disons que c’est d’un optimisme débordant.

C’est certain que la Cour suprême du Canada sera obligée d’entendre l’appel de ce qui s’avère être une des plus importante­s décisions constituti­onnelles depuis une génération.

L’audition en Cour suprême va forcer Trudeau à se brancher, enfin, et risque d’avoir une influence majeure sur la prochaine campagne électorale fédérale.

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