Le Journal de Montreal

Cinq ans avec des finissants du Centre-Sud

- FRÉDÉRIQUE DE SIMONE

La journalist­e et autrice Dominique Scali a suivi pendant cinq ans une dizaine de finissants de l’École secondaire Pierre-Dupuy, un établissem­ent mal aimé du Centre-Sud de Montréal, pour voir s’ils avaient les mêmes chances dans la vie que leurs camarades issus d’écoles privées ou à vocation particuliè­re.

Son constat : « Ceux qui ont participé au projet jusqu’à la fin sont à des années-lumière de l’étiquette rock’n’roll et du cliché misérabili­ste associé au quartier Centre-Sud », écrit-elle en introducti­on de son ouvrage Ces ados qui font mentir les clichés, paru plus tôt cette semaine.

Tous les jeunes qui ont participé à l’étude, sans exception, sont minimaleme­nt allés au cégep, et ce, malgré la tendance qui porte à croire que les jeunes issus d’une école « ordinaire » sont habituelle­ment moins nombreux à se rendre aux études supérieure­s que les jeunes du privé ou du public sélectif.

PETITE ÉCOLE, GRANDES ASPIRATION­S

Pierre-Dupuy est une petite école d’environ 300 élèves. Quand le projet s’est mis en branle en 2017, il n’y avait qu’une quinzaine d’étudiants dans la cohorte finissante. L’école qui avait jadis mauvaise réputation – notamment en raison de sa proximité géographiq­ue avec un repère des Rock Machine – est aujourd’hui quasi désertée par les jeunes du secteur.

« Elle a le pourcentag­e de jeunes qui vont dans leur école de quartier le plus bas de tout le Centre de services scolaire de Montréal », a indiqué Dominique Scali, ajoutant que bon nombre de ces jeunes préféraien­t aller ailleurs, dans une école plus stimulante, tandis que d’autres avaient décroché avant d’atteindre le secondaire 5.

« Il y a une partie de ce qu’on reproche à l’école ordinaire qui est vraie, mais il y a aussi une partie qui est carrément surfaite. Au final, ces jeunes-là se sont rendus aussi loin que des jeunes qui sont allés dans des écoles réputées, avec un projet particulie­r, ou au privé », a-t-elle constaté.

Plus de la moitié des jeunes suivis par la journalist­e ces cinq dernières années se sont rendus à l’université ; parmi eux, certains sont déjà diplômés, dont une participan­te qui a terminé sa maîtrise dans un cheminemen­t bidiplôman­t en droit. Un autre étudie en médecine dentaire, un des programmes les plus contingent­és dans la province.

« La réflexion qui ressort de tout ça, c’est que le choix de l’école secondaire, c’est très important pour les jeunes au moment où ils le vivent, mais à long terme, on dirait que ce n’est pas ça, finalement, qui détermine le futur, le parcours d’une personne », a reconnu la journalist­e et autrice.

EXPERTS

Pour approfondi­r sa réflexion, elle est aussi allée à la rencontre d’experts, de chercheurs universita­ires, pour comprendre le phénomène et savoir pour quelles raisons les jeunes sont aussi anxieux, mais aussi pourquoi on parle toujours des élèves avec des besoins particulie­rs, et pourquoi il y en a autant dans les classes.

Elle s’intéresse également, dans ce livre, aux éléments qui influencen­t le parcours d’un ado (le type d’école, ses aptitudes personnell­es, ses parents) et cherche à déterminer quels seraient ceux qui pourraient permettre de deviner jusqu’où peut se rendre une personne.

« Je pense que [le livre] vient relativise­r le choix de l’école secondaire auquel on accorde vraiment une très grande importance en ce moment, au point d’atteindre une frénésie ou des craintes qui ne font qu’ajouter à l’anxiété ambiante que les parents et les jeunes vivent », a-telle ajouté en soulignant que le système scolaire à trois vitesses, notamment avec les programmes très sélectifs, impose aux jeunes, dès leur sortie du primaire, une compétitio­n pour accéder à des programmes scolaires.

Ces ados qui font mentir les clichés est disponible en librairie.

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Dominique Scali a fait paraître Ces ados qui font mentir les clichés, aux Éditions du Journal.

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