Le Journal de Montreal

Plus présente dans les classes ordinaires

Des chercheuse­s déboulonne­nt les mythes de l’anxiété chez l’élève performant

- DOMINIQUE SCALI

Contrairem­ent à la croyance populaire, ce ne sont pas les adolescent­s du privé ou des programmes particulie­rs sélectifs qui souffrent le plus d’anxiété avant un examen, mais ceux des classes ordinaires, révèlent d’étonnants résultats de recherche.

« On s’imagine que les élèves qui font beaucoup d’anxiété de performanc­e sont ceux qui sont très performant­s et très perfection­nistes, alors que ce n’est pas ce qu’on observe », affirme Catherine Fréchette-Simard, chargée de cours à l’UQAM.

Elle fait partie des chercheuse­s qui ont questionné des centaines d’élèves québécois du secondaire ou de la fin du primaire.

Elle a observé que les jeunes qui étaient dans une classe ordinaire en première secondaire étaient ceux qui présentaie­nt le plus d’anxiété évaluative au moment de quitter le primaire.

« L’étudiante hallucinai­t. Elle se disait : “Je ne pourrai jamais publier ça, il doit y avoir une erreur !” », raconte Isabelle Plante, professeur­e au Départemen­t de didactique de l’UQAM, à propos d’une doctorante qu’elle co-dirige et qui est arrivée à des résultats semblables.

Bien que cet angle n’ait pas encore fait l’objet d’une publicatio­n en soi, il existe maintenant trois jeux de données différents qui viennent déconstrui­re le cliché du jeune performant et anxieux, estime Mme Plante.

PERDRE SES MOYENS

Cette découverte est abordée dans le livre Ces ados qui font mentir les clichés, publié aux Éditions du Journal. Pourquoi les jeunes d’aujourd’hui sont-ils si anxieux ? Voilà une des questions auxquelles tente de répondre l’ouvrage.

Les études des deux chercheuse­s portent sur l’anxiété évaluative, ou l’« anxiété de performanc­e » ressentie avant et pendant un examen. Elle peut se manifester par une perte de moyens ou de l’inattentio­n, entre autres.

Puisque de nombreux élèves concourent pour être acceptés dans une école secondaire privée ou dans un programme particulie­r sélectif au public, beaucoup de jeunes ayant des difficulté­s scolaires se retrouvent concentrés au régulier dans leur école de quartier.

Ces élèves ont probableme­nt déjà vécu des échecs par le passé. Ils ont parfois l’impression de ne pas maîtriser la matière, de ne pas savoir comment faire pour réussir. C’est donc ce « faible sentiment de compétence » qui les amène à se sentir plus anxieux, explique Mme Fréchette-Simard.

Certains des jeunes qui ont des notes entre 65 % et 75 % vont être jugés « paresseux » ou « démotivés ».

Mais bien souvent, il s’agit d’une forme d’évitement sous laquelle se cache de l’anxiété et qui vient alimenter le cercle vicieux de la procrastin­ation, ajoute Mme Plante.

« Quand j’en parle aux enseignant­s, ça résonne fort. »

CERTAINS PERFECTION­NISTES

On note d’ailleurs une diminution de l’anxiété évaluative chez les jeunes qui ont au-dessus de 75 %.

Il existe bel et bien une frange d’élèves perfection­nistes qui ont des notes supérieure­s à 94 % et qui font de l’anxiété de performanc­e. « C’est d’eux dont on entend beaucoup parler », note Mme Plante.

Mais en réalité, il s’agit d’une minorité. De plus, leur niveau d’anxiété atteint rarement celui des jeunes qui ont un faible rendement scolaire.

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PHOTO AGENCE QMI, JOËL LEMAY Catherine Fréchette-Simard, chargée de cours au départemen­t de didactique de l’UQAM, à Montréal, jeudi dernier.
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