Le Journal de Montreal

« CE N’EST PAS LA PAIE QUI FAIT QUE JE SUIS ICI »

- JONATHAN BERNIER

SAGUENAY | Avec sa poche sur l’épaule et ses deux bâtons dans les mains, Donald Brashear est bien loin de la vie de la LNH, dans laquelle il a disputé 1025 matchs entre 1995 et 2010. Celle où les joueurs voyagent en avion nolisé et où des préposés s’occupent de l’équipement.

L’homme de 52 ans a plutôt traversé le parc des Laurentide­s, en voiture, depuis Québec, où il réside. Un trajet qu’il effectue pratiqueme­nt toutes les fins de semaine. Par chance, cet hiver n’a pas été très rigoureux.

« C’est un passionné, lance Bob Desjardins, l’entraîneur-chef et directeur général des Marquis de Jonquière. Il prend soin de lui. C’est la même chose que Jaromir Jagr, qui joue, lui aussi, encore au hockey. »

Effectivem­ent, le Tchèque, qui a soufflé ses 52 bougies au lendemain de la Saint-Valentin, joue encore. Il porte les couleurs de Kladno, sa ville natale. On peut essayer de faire un lien boiteux en disant que Brashear joue pour sa ville d’adoption puisque sa conjointe est originaire de Shipshaw, à 10 minutes de Jonquière.

Mais, ça s’arrête là.

QUELQUES REVERS PERSONNELS

Il y a deux ans, Jagr avait admis, dans une entrevue accordée à The Hockey News, qu’il continuait à jouer pour assurer la survie financière de l’équipe dont il est propriétai­re majoritair­e.

Dans le cas de Brashear, c’est moins clair. L’ancien homme fort du Canadien a accepté de rencontrer l’auteur de ces lignes à condition de ne pas ressasser les histoires du passé : ses échecs dans le monde des affaires, ses démêlés avec la justice, le travail qu’il a déjà occupé chez Tim Hortons.

Autant de revers de la vie qui font dire à plusieurs que ce sont des problèmes financiers, plus que la passion, qui incitent Brashear à revêtir son casque, ses gants et ses patins semaine après semaine.

« Je suis venu ici en char, j’ai une maison, je mange et j’ai du linge sur le dos. Ça fait que ça va bien », a-t-il sèchement laissé tomber.

« J’ai un esprit compétitif. J’aime ça compétitio­nner. Oui, j’aime ça jouer pour le fun, mais ça me prend aussi un challenge, a également mentionné, au cours de l’entretien, celui qui a disputé un match avec les anciens Flyers au début du mois de février. Ce que le monde pense, ça n’a pas d’importance. Ce qui est important, c’est ce que moi je pense. »

D’ailleurs, Brashear s’est bien gardé de dévoiler le montant qu’il touche pour porter l’uniforme des Marquis (assurément plusieurs centaines de dollars par match).

« Ce n’est pas la paie qui fait que je suis ici », a-t-il soutenu.

SAVOIR SE RELEVER

Capitaine des Marquis de Jonquière, Alexandre Picard n’a pas été étranger à la venue de Brashear au Saguenay. Nommé le joueur le plus utile des séries dans la Ligue américaine en 2012, l’attaquant le connaît depuis plusieurs années.

« Il a eu des hauts et des bas dans la vie, mais c’est tout à son honneur d’avoir réussi à sortir de là la tête haute », a mentionné l’ancien choix de premier tour des Blue Jackets (2004).

« On ne parle pas assez de ceux qui réussissen­t à se sortir de moments difficiles. C’est la même chose au hockey, a-t-il poursuivi. Aujourd’hui, on voit de plus en plus de gens qui demandent de l’aide. Je pense que c’est à cause de gars comme Donald, des gars qui ont montré un peu le chemin. »

En plus de jouer pour les Marquis et d’évoluer parallèlem­ent avec le Black Jack de Wendake dans la Ligue de hockey senior du Lac au Fleuve, Brashear boucle les fins de mois en travaillan­t au Centre excellence hockey, une entreprise qui offre différente­s écoles de hockey à Québec.

« C’est Karl Sirois, un de mes amis, qui s’occupe de ça. Il m’a demandé d’aller travailler pour lui. Ça faisait longtemps que je voulais faire ça. Je veux aider les jeunes et passer mon savoir. »

Non, il ne vit plus avec des millions en poche, mais il parvient à gagner son pain comme monsieur et madame Tout-le-Monde.

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