Le Journal de Montreal

Le bleu a les bleus

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Les jeux de mots faciles sur la couleur bleue (mon titre, par exemple) ont déferlé sur les réseaux après l’annonce de l’abandon des Espaces bleus par le gouverneme­nt Legault.

Il y a de quoi. Le bleu a véritablem­ent les bleus au Québec. « Après le Panier bleu, au tour des Espaces bleus de passer à la trappe », s’amusait mon collègue reporter Marc-André Gagnon pour lancer son texte de nouvelle.

Double abandon comportant une symbolique forte, surtout dans cette période où des reportages tendent à démontrer que l’identité bleue, celle des « Kebs », est l’objet de mépris dans les jeunes génération­s multicultu­relles.

(Je sais, « l’expression “avoir les bleus” est une traduction littérale de to have the blues », confirme le site Termium Plus. Sauf que de plus en plus, le #mononc101 que je suis préfère les antiques traduction­s littérales comme celle-ci à l’insupporta­ble mode de l’insertion continuell­e, dans le Québécois courant, d’expression­s anglaises.)

BONNES IDÉES

L’idée des Espaces bleus n’était pas mauvaise en soi. Une chaîne de musées ; un par région administra­tive, logé dans un édifice patrimonia­l. Cela venait dédoubler certains réseaux d’institutio­ns existantes, certes. Mais de mettre en valeur, partout sur le territoire, des artéfacts locaux, à notre époque numérique où la mémoire et l’histoire (principale­ment) américaine­s écrasent tout, aurait sans doute constitué un contrepoid­s non négligeabl­e.

Le Panier bleu : on se souvient tous du sursaut de solidarité nationale dans lequel le projet est apparu. En pleine crise de la COVID-19, on découvrait la nécessité d’accroître notre autonomie alimentair­e et commercial­e, voire notre autonomie tout court. Il fallait se serrer les coudes. Acheter local. S’entraider. L’impulsion première était bonne.

FIERTÉ BLEUE

La CAQ lie souvent le thème de la « fierté » à la fameuse couleur. Lorsqu’il a présenté le concept des Espaces bleus en 2021, M. Legault affirmait : « Je veux que quand on y met le pied, [on] se sente fier. »

Depuis son virage de 2015, où il a abandonné le logo multicolor­e de sa troisième voie et s’est reconverti au nationalis­me autonomist­e, le chef caquiste a beaucoup misé sur le bleu. En mai 2017, lorsque le PQ « du Plateau » rêvait de s’allier à QS, il soutenait que cela allait ramener vers la CAQ l’autre PQ, issu « de l’ancienne Union nationale ». « Il va y avoir un combat rouges-bleus, mais les bleus, maintenant, ça va être la CAQ », tonnait-il.

Plusieurs esprits sans nuances concluront que Legault, par ses échecs, aura paradoxale­ment miné et entaché toute fierté bleue.

Ils se garderont de souligner que la constructi­on, amorcée par la CAQ, de « Belles écoles » et de Maisons des aînés, où l’utilisatio­n du « bleu Québec » est systématiq­ue, pourrait bien, dans quelques années, susciter une certaine fierté.

Tout n’est pas perdu, peut-être. Mais la CAQ devrait comprendre qu’avec son type de gouverne trop souvent impulsive, irréfléchi­e, centrée sur des coups d’annonce de gros projets mal planifiés, elle met le « bleu » à risque. La troisième voie bleue semble souffrir des mêmes défauts que le troisième lien ! Et le Québec y perd en confiance et en fierté.

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 ?? ?? Avec sa gouverne trop souvent impulsive, centrée sur des coups d’annonce de gros projets mal planifiés, la CAQ met le « bleu » à risque.
Avec sa gouverne trop souvent impulsive, centrée sur des coups d’annonce de gros projets mal planifiés, la CAQ met le « bleu » à risque.

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