Brian Mulroney : la volonté et le courage du risque
Depuis son décès, les éloges affluent pour Brian Mulroney. Un grand premier ministre. Un visionnaire. L’homme de la réconciliation avec le Québec, du libre-échange et de la lutte contre l’apartheid.
Chef attentionné du Parti progressiste-conservateur, il maîtrisait l’anglais et le français avec brio. Un Canadien amoureux de son pays et fier de ses racines québécoises. Un homme charmant, généreux et drôle.
Ce qui me frappait surtout chez lui était sa volonté et son courage de risquer même l’échec quand le jeu en valait vraiment la chandelle. M. Mulroney était d’une espèce politique rarissime. Un leader de convictions, prêt à faire face aux vents contraires, aux sondages et aux attaques les plus dures.
Idem pour l’ex-premier ministre Jacques Parizeau. Deux destins croisés dans la foulée de l’accord du lac Meech. Les deux hommes ont même eu en commun d’avoir vécu chacun un échec crève-coeur qui, pour longtemps, les a laissés profondément blessés.
M. Mulroney, avec la mort de Meech en juin 1990. M. Parizeau, avec la défaite serrée du Oui au référendum de 1995.
Avec Robert Bourassa, Brian Mulroney avait pourtant négocié un accord novateur. Objectif : réparer l’affront du rapatriement unilatéral de la Constitution en 1982 par Pierre Elliott Trudeau en ramenant le Québec dans le giron canadien avec « honneur et enthousiasme ».
DEUX VISIONS NOBLES
Trudeau père visait à isoler le Québec trop « nationaliste » à ses yeux. Brian Mulroney cherchait à l’accommoder pour mieux renforcer l’unité canadienne.
La vision de Jacques Parizeau était tout aussi noble : un Québec indépendant libre de ses choix. Mais ont-ils vraiment échoué personnellement ? Je ne crois pas.
La réalité est qu’ils ont été piégés par des circonstances hors de leur contrôle.
Durant la saga de Meech, M. Mulroney s’est vu piégé par la formule d’amendement de la Loi constitutionnelle de 1982.
Pour enchâsser l’accord du lac Meech, elle exigeait l’assentiment unanime de tous les gouvernements au Canada dans un délai maximal de trois ans. Bref, l’impossible.
Pensée par Trudeau père, cette formule visait à bétonner « sa » Constitution. Une vraie camisole de force. Au cours des trois années, tout a donc basculé.
TOUT A BASCULÉ
Des gouvernements ont changé. L’opinion publique canadienne, initialement favorable, finira par être convaincue par Trudeau père que la clause de société distincte de Meech permettrait au Québec d’opprimer ses minorités.
En 1995, Jacques Parizeau s’est vu piégé
à son tour. Cette fois-là, par l’absence de respect des règles référendaires par le gouvernement fédéral de Jean Chrétien, disciple du même Trudeau père.
Durant la campagne référendaire, l’argent fédéral coulera à flots au Québec. Le débat en sera carrément faussé.
Malgré ces puissants vents de face, Brian Mulroney et Jacques Parizeau ont tout donné d’eux-mêmes. C’est tout d’abord parce qu’ils ont été piégés qu’ils ont échoué.
De fait, les véritables échecs sont ailleurs. Le premier, en 1990, fut celui d’une Constitution verrouillée volontairement par la formule d’amendement de Trudeau père. Le second, en 1995, fut celui d’une absence totale de scrupules chez Jean Chrétien.
Qui s’étonnera que, depuis, plus personne, ici ou au Canada anglais, n’ose même rêver du jour où le Québec retournera dans la famille canadienne avec « honneur et enthousiasme » ?