Le Journal de Montreal

Ils sont effrayés par leur proprio

Juste après avoir acheté son immeuble de 67 logements, il a ouvert 25 dossiers au tribunal

- CLARA LOISEAU

Un propriétai­re montréalai­s a menacé d’évincer 25 de ses locataires en invoquant des non-paiements de loyers alors qu’il a décidé de ne plus les collecter.

« Sur mon bail, c’est écrit que je paie en cash, ici, dans l’immeuble. Ça fait trois mois que j’essaie de payer, mais eux veulent que je paie avec des chèques postdatés ou que je fasse une heure de trajet pour aller donner l’argent comptant à leur bureau », explique William Riley, qui vit depuis plus d’un an au 2215 boulevard Rosemont, à Montréal.

Il est poursuivi au Tribunal administra­tif du logement (TAL) par son nouveau locateur, la société 2215 Rosemont inc., appartenan­t à Mark Kilajian. Il demande la résiliatio­n du bail à cause d’un retard de paiement de son loyer de plus de trois semaines. Dans l’immeuble de 67 logements, 25 autres locataires ont reçu le même avis.

CHANGEMENT DE MÉTHODE

En septembre 2023, tous les locataires ont reçu un avis, collé à leur porte, les avisant de l’achat.

Quelques semaines plus tard, c’est par huissier que les résidents ont reçu un avis de renouvelle­ment de bail contenant 21 nouveaux règlements, dont celui de payer par prélèvemen­t automatiqu­e.

Or, selon la loi, le propriétai­re doit garder la méthode de paiement indiquée sur le bail jusqu’à la fin de celui-ci, rappelle Rose Tremblay, du Comité logement Petite-Patrie.

Plusieurs locataires ont affirmé au Journal avoir tenté de payer leur loyer comme ils ont toujours eu l’habitude de le faire, mais n’ont pas été en mesure de joindre les nouveaux propriétai­res.

« C’est un immeuble avec une clientèle vulnérable, c’est clair que l’objectif est de tout faire pour rendre le paiement compliqué, de se rendre injoignabl­e pendant des mois et ensuite ouvrir des dossiers au tribunal pour non-paiement », ajoute Mme Tremblay.

Par le truchement d’une agence de relations publiques, Mark Kilajian a fait savoir par courriel qu’il acceptait toutes les méthodes de paiement.

Mais en argent comptant, « pour des raisons de sécurité et de rigueur administra­tive, nous exigeons que les paiements soient faits directemen­t à notre bureau », a-t-il indiqué.

Lors de l’audience de William Riley au TAL, le gestionnai­re de l’immeuble a indiqué à la juge ne pas vouloir collecter l’argent comptant des loyers dans l’immeuble, a pu constater Le Journal ,qui était présent. Le locataire était même prêt à le payer pendant l’audience, ce que le gestionnai­re a refusé, avant de se raviser.

M. Kilajian a fait savoir que plusieurs dossiers avaient finalement été fermés.

OPÉRATION CRUELLE

Pour Gabriel Nadeau-Dubois, cet immeuble est l’exemple parfait pour illustrer la radicalisa­tion de la crise du logement.

« Ça montre aussi à quel point les grands spéculateu­rs rivalisent d’imaginatio­n pour trouver de nouvelles techniques pour s’en prendre aux locataires les plus vulnérable­s et se faire le plus d’argent possible », s’indigne le co-porte-parole de Québec solidaire.

Et pour aider la dizaine de locataires qui ont une audience, l’élu organise une assemblée avec la présence du Comité logement Petite-Patrie et un avocat en droit du logement.

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PHOTO AGENCE QMI, JOËL LEMAY William Riley, locataire d’un immeuble situé sur le boulevard Rosemont, à Montréal, qu’on a tenté d’évincer.

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