François Legault et le retour des bleus
Grognon.
François Legault, nous le savons, tourne en rond. Il a perdu sa boussole nationaliste, comme s’il jouait à contrecoeur le rôle de fédéraliste
Peut-il la retrouver ?
Il pourrait le faire s’il lisait Le retour des bleus, le remarquable ouvrage d’Étienne-Alexandre Beauregard (EAB), un des plus brillants intellectuels de sa génération (il a à peine 22 ans) et qui, après un passage au PQ, a rejoint la CAQ et est devenu un de ses compagnons de route et a collaboré avec lui.
EAB propose dans ce livre une relecture de notre histoire politicointellectuelle. Il y distingue deux grands pôles, les bleus et les rouges.
BLEUS
De manière schématique, on dira que les bleus sont attachés à la continuité historique du peuple québécois, alors que les rouges sont obsédés par une quête de modernité jamais assouvie.
Les bleus ont le sens de l’identité collective et veulent que l’État assure sa promotion. Les rouges redoutent que le collectif écrase l’individu.
Pourquoi EAB parle-t-il du retour des bleus ?
Car la dimension conservatrice du nationalisme n’est plus portée comme une tare, alors qu’elle le fut dans la dynamique de la Révolution tranquille, traversée, on peut le comprendre, par un désir de libération sociale.
Cette tradition, selon EAB, qui remonte à François-Xavier Garneau, passe par Groulx, Duplessis et Lévesque, et est aujourd’hui portée politiquement par François Legault.
Le nationalisme conservateur est de retour avec la question identitaire (identité québécoise ou multiculturalisme), qui a remplacé la question du statut politique du Québec (souveraineté ou fédéralisme) après le dernier référendum, alors qu’il fallait penser l’affirmation québécoise dans un contexte qui était celui d’un cul-de-sac historique.
Le combat pour la laïcité, celui pour la langue française, la résistance au wokisme et au multiculturalisme sont au coeur de ce nationalisme renouvelé.
Cette analyse trouve toutefois ses limites dans l’évolution objective de la situation politique.
Le nationalisme ne saurait être qu’une rhétorique. Il ne saurait se contenter de « gains concrets » qui à l’échelle de l’histoire semblent puérils quand on sait que le Québec est condamné à la noyade démographique dans le Canada. L’autonomisme a atteint ses limites.
On en revient au Retour des bleus de Beauregard.
L’érudition d’EAB est époustouflante, sa puissance d’analyse exceptionnelle. Il a raison de détacher le nationalisme d’un progressisme qui l’entrave souvent.
Peut-être sera-t-il amené dans un prochain livre à analyser le moment historique présent, celui du retour au clivage souverainiste-fédéraliste.
Car la question de la place du Québec ne relève pas d’un ressenti idéologique : elle nous est rappelée par la réalité.
Je disais que François Legault devrait le lire. En fait, il l’a lu, et en a pensé du bien.
L’auteur propose dans ce livre une relecture de notre histoire politico-intellectuelle.
AUTONOMISME
Il lui reste à en tirer quelques conséquences politiques.
Quand il dit que le Canada nous condamne à la « louisianisation » avec sa politique d’immigration démentielle, il dit vrai.
Mais il ne suffit pas alors d’envoyer une lettre de protestation à Ottawa.
Il faut en tirer une vraie conclusion. Nous la connaissons.
EAB pourrait la lui rappeler.