Justin Trudeau est-il dépassé ?
OTTAWA | Justin Trudeau a fait son pain et son beurre en grignotant le lunch du NPD.
La stratégie remonte aux tout débuts, en 2015, quand il a promis de faire des déficits devant un Thomas Mulcair et un Stephen Harper médusés.
Par la suite, il n’a pas cessé de déculotter le NPD, de le dépasser sur sa gauche. Sa coalition reposait là-dessus.
Mais aujourd’hui, cette coalition ne tient plus.
COALITION CONSERVATRICE
Les conservateurs de Pierre Poilievre ont réussi deux exploits en un : attirer dans leur tente les cols bleus, les travailleurs et, en même temps, les jeunes, les millénariaux, cette nouvelle classe moyenne.
Que sont devenus les progressistes ? Où sont-ils ? Comment les rejoindre, les fédérer comme avant ?
Libéraux et néo-démocrates cherchent encore la réponse.
Les comparaisons entre Poilievre et Donald Trump n’ont rien changé.
Les libéraux sont en général plus agressifs envers le chef conservateur depuis un certain temps, sans que l’humeur de l’électorat en soit affectée.
Les résultats dans les élections partielles de Durham, près de Toronto, sont révélateurs de ce malaise à gauche.
Il est normal que les conservateurs aient remporté haut la main cette circonscription bleue depuis le début des années 2000.
Mais jamais, depuis très longtemps, le NPD n’avait réalisé une aussi piètre performance.
Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, les libéraux n’en ont pas profité, comme c’est généralement le cas.
Les libéraux et le NPD ont chacun perdu environ sept points de pourcentage, par rapport à 2021. Maxime Bernier aussi a perdu quelques plumes.
Face au désir de changement, après huit ans de gouvernement libéral, Poilievre est en train de constituer une nouvelle alliance formée de progressistes désenchantés, de populistes en colère et d’une jeune classe moyenne qui sent son pouvoir d’achat diminuer.
Le progressisme tape-à-l’oeil des libéraux, qui se fait aujourd’hui au moins autant contre des idées que pour une cause, ne fédère plus comme avant.
Au NPD, il y a longtemps que les travailleurs ne sont plus le centre de leur action politique.
Jagmeet Singh est beaucoup plus à l’aise sur un campus universitaire que sur le plancher d’une usine.
Et c’est peut-être bien tout ce qui pourrait leur rester, à ces deux partis de gauche, après les prochaines élections : les centres-ville et les campus.
DES DOUTES
Rien ne dit que les solutions amenées par Poilievre auront des résultats positifs concrets.
Son plan pour le logement a été vivement critiqué par des experts.
L’abolition de la taxe carbone n’aidera pas les familles à arrondir leur fin de mois comme les conservateurs le prétendent.
L’approche conservatrice pour lutter contre la criminalité est loin de faire l’unanimité, avec des peines minimales qui ont plus d’une fois été jugées inconstitutionnelles.
Couper dans les dépenses de l’État ne ramènera pas des taux d’intérêt à 1,5 %.
La vision de Poilievre sur le rôle et la place du Canada dans le monde demeure un mystère.
Tout cela semble avoir peu d’importance pour un électorat qui reste sourd aux arguments de Justin Trudeau, qui leur demande d’avoir très peur de Pierre Poilievre.
On peut légitimement se demander ce que Poilievre veut réellement faire de ce pays, quelle est sa vision pour le futur.
La même question vaut pour l’actuel premier ministre.