Le Journal de Montreal

M. Dubé, avez-vous le courage de rapatrier le privé vers le public ?

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La Coalition Solidarité Santé est rassurée d’apprendre que le ministre Dubé reconnaît les effets délétères de l’essor de la médecine à deux vitesses. Il y a en effet une explosion du nombre de médecins ne participan­t plus au régime d’assurance maladie du Québec (RAMQ) ou, pire, qui font des allers-retours du public au privé pour attirer la clientèle plus aisée vers le privé.

Pour répondre à ce problème, le ministre propose une demi-mesure : allonger légèrement le délai que les médecins devront attendre pour passer du public au privé. Cette solution pourrait en décourager quelques-uns, mais elle n’arrêtera certaineme­nt pas l’hémorragie.

Notre Coalition a été estomaquée d’apprendre que les médecins de famille au Québec n’offrant plus de services gratuits et universels sont quatre fois plus nombreux maintenant qu’il y a cinq ans. Nous avons officielle­ment dépassé la barre des 5 % d’omnipratic­iens n’exerçant plus au public. Dans ce contexte, plus personne ne peut penser que l’accessibil­ité aux soins n’est pas compromise par la privatisat­ion de la médecine au Québec.

ACCESSIBIL­ITÉ

Les pourcentag­es sont légèrement inférieurs pour les médecins spécialist­es, mais c’est chez eux que les passages répétés du public au privé sont les plus nombreux. Il est simple de comprendre pourquoi un médecin du secteur privé ne devrait pas avoir accès à la clientèle de la RAMQ. Il est en effet alors trop simple d’inviter sa clientèle financière­ment aisée à payer pour avoir accès à un service plus rapide.

Pour avoir accès facilement à un médecin de famille au Québec, nous constatons qu’il faut maintenant accepter de sortir notre carte de crédit, et ce, bien qu’en principe, nos impôts devraient nous permettre d’avoir accès à un système de santé universel et gratuit.

En acceptant de sortir notre carte de crédit, il faut penser à ceux qui n’ont pas les moyens de le faire et qui souffrent d’un problème d’accès aux soins.

C’est aussi problémati­que, car le médecin désengagé peut facturer plus cher pour un même acte, ce qui lui permet de faire le même salaire en voyant une plus petite clientèle.

Une publicité télévisée le montre bien actuelleme­nt : des omnipratic­iens du privé sont dans une salle d’attente et attendent patiemment l’arrivée du patient pour répondre à son besoin. Ces ressources pourraient donner de bien meilleurs services si elles étaient guidées par la réponse aux besoins population­nels criants plutôt que par la recherche du profit.

DÉSENGAGEM­ENT

De plus, chaque médecin qui ne reçoit plus sa rémunérati­on de la RAMQ alourdit la tâche des médecins restants, notamment pour les quarts de travail de soir et de nuit à faire aux urgences, ce qui pousse inévitable­ment d’autres omnipratic­iens à se désengager.

Exactement le même modus operandi qu’avec les infirmière­s des agences privées qui vampirisen­t les services publics, situation insoutenab­le qui a poussé le ministre de la Santé à légiférer pour les rapatrier vers le public.

Si le ministre veut arrêter l’hémorragie, ne devrait-il pas faire de même avec les médecins ?

En Ontario, aucun médecin n’a le droit d’être rémunéré avec la carte de crédit. Au lieu d’une demi-mesure, le MSSS pourrait copier la province voisine et tout simplement cesser d’accorder le privilège de se désengager de la RAMQ. Ensuite, le ministre devrait avoir le courage politique de rapatrier tous les médecins du secteur privé vers celleci. C’est une évidence qu’en ajoutant demain 5 % d’effectifs, nous pourrions beaucoup plus facilement avoir accès à un médecin de famille, avec la carte-soleil !

À quand le courage politique d’un plan d’action pour rapatrier le privé vers le public ?

Geneviève Lamarche, coordonnat­rice, Coalition Solidarité Santé

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