Le caïd Turmel s’attaque aussi au marché de la Côte-Nord
En plus de Québec, son gang convoite les territoires de Sept-Îles et de Baie-Comeau,
Le caïd Dave « Pic » Turmel, dont le gang livre une violente guerre des stupéfiants contre les Hells Angels dans la région de la CapitaleNationale, tenterait aussi de ravir aux motards une partie du marché de la drogue au nord-est du Québec.
Au cours des derniers mois, la CôteNord est elle aussi devenue le théâtre d’attaques armées dont les similitudes avec celles de la guerre des stupéfiants à Québec ne sont pas le fruit du hasard, d’après des informations de notre Bureau d’enquête.
À Sept-Îles et à Baie-Comeau, plusieurs propriétés d’individus reliés aux motards ont été les cibles de coups de feu durant l’hiver, comme ce fut le cas à Québec.
Or, le marché des stupéfiants dans les deux plus grosses villes de la Côte-Nord est contrôlé depuis plusieurs années par les Hells Angels du chapitre de Québec, qui ont maille à partir avec le gang de Turmel depuis un an dans la grande région de la Capitale-Nationale.
Le territoire de Sept-Îles serait sous la mainmise du Hells Alexandre Maltais, auprès duquel les trafiquants de la région auraient aussi l’obligation de s’approvisionner et à qui ces derniers doivent verser une redevance (communément appelée une « taxe ») de 10 % sur leurs ventes, selon des documents policiers consultés par notre Bureau d’enquête.
Le secteur de Baie-Comeau serait sous le contrôle du Hells Yannick Gauthier, un ancien porte-couleurs des Rock Machine qui agirait lui aussi comme fournisseur pour les trafiquants de ce secteur.
De surcroît, Gauthier est un proche de Martin Robert, un Hells du chapitre de Montréal que la police considère depuis quelques années comme le plus influent parmi tous les membres québécois du gang de motards.
CLIENTÈLE VULNÉRABLE
Une partie de la clientèle que se disputent le BFM et les Hells se trouve dans la communauté innue de Uashat mak Maniutenam, où la consommation de drogues comme la cocaïne et la méthamphétamine est devenue un véritable fléau social.
En 2017, à la suite d’une enquête publique sur une vague de suicides dans cette communauté autochtone, le coroner Bernard Lefrançois avait conclu que « les produits intoxicants ont joué un rôle de premier ordre » dans ces décès.
Sur 44 résidents de cet endroit qui se sont enlevé la vie à cet endroit entre 1994 et 2014, 40 étaient aux prises avec un problème de dépendance aux drogues.
C’est dans ce contexte que la Sûreté du Québec et la Sécurité publique de Uashat mak Mani-utenam (SPUM) ont créé, il y a un mois, une première escouade mixte d’enquêteurs spécialisés sur le crime organisé afin de contrer ce phénomène.
« Ce sont les mêmes visages qu’on voit, les mêmes protagonistes », mentionnait alors le sergent Hugues Beaulieu de la SQ, en traçant un parallèle entre le conflit des stupéfiants à Québec et celui sur la Côte-Nord.
SIGNATURE DU BFM
Tirer en direction de propriétés des Hells ou de leurs proches, c’est devenu la « signature » d’une des méthodes d’intimidation préconisée par le clan de Turmel, appelé le BFM (pour Blood Family Mafia).
Le 7 mars 2023, des hommes de main du BFM avaient osé tirer des projectiles d’arme à feu sur la résidence d’un Hells Angels du chapitre de Québec, Mathieu Pelletier, que la police identifie aussi comme l’ex-fournisseur en stupéfiants de « Pic » Turmel.
Depuis, le BFM a aussi fait feu sur des véhicules et des commerces reliés aux motards dans la grande région de Québec, y compris sur le local des Hells en Beauce.
Le BFM regroupe des trafiquants indépendants ou issus de gangs de rue qui refusent de verser aux Hells une « taxe » sur leurs revenus de ventes, une règle en vigueur depuis plusieurs années dans ce marché criminel contrôlé par les motards.
ACCUSÉS À QUÉBEC
Le BFM a également recruté sur la CôteNord quelques-uns de ses soldats chargés d’aller participer à des séances d’intimidation et de torture aux dépens d’individus liés aux Hells dans la région de Québec.
Evan Lavoie, 21 ans, et William MongerGagnon, 26 ans, tous deux des résidents de Sept-Îles, font partie de la trentaine d’individus appréhendés dans l’opération Scandaleux que mènent la Sûreté du Québec et plusieurs autres corps policiers dans la région de la capitale depuis le 23 février.
Détenus depuis leur arrestation, les deux jeunes hommes font face à des accusations d’enlèvement, de séquestration et de voies de fait graves relativement à la prise d’otages qui a fait un mort et trois blessés à Saint-Malachie, dans le comté de Bellechasse, entre les 18 et 19 février.