Un coup de pouce de Québec à Northvolt pour éviter un BAPE
C’est ce qu’a finalement dû admettre, hier matin, le ministre de l’Environnement
Après avoir soutenu pendant des mois que Northvolt n’a bénéficié d’aucun passe-droit, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, a admis avoir aidé l’entreprise suédoise à éviter une évaluation du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) de crainte de perdre son projet d’usine de batteries.
« [S’il y avait eu un BAPE], on aurait vraisemblablement dû attendre entre 18 et 24 mois pour donner un signal à l’entreprise. C’est là où les États qui pouvaient lui faire la cour auraient sans doute réussi à aller la charmer, au point d’aller s’installer ailleurs qu’au Québec, alors qu’on en a besoin ici en sol québécois », a reconnu M. Charette au micro de Mario Dumont, hier matin.
Jusqu’ici, le gouvernement de François Legault niait catégoriquement avoir permis au mégaprojet de batteries de profiter d’un processus d’autorisation accéléré, en soutenant contre vent et marée qu’aucun passe-droit n’a été accordé.
« J’ai besoin de ce projet-là d’un point de vue environnemental, autant que Pierre Fitzgibbon en a besoin d’un point de vue économique », a expliqué le ministre caquiste hier, en plaidant avoir besoin des entreprises comme Northvolt pour « décarbonner notre économie » et en particulier dans le secteur des transports, qui représente actuellement 43 % des émissions de GES au Québec.
« Il y a aussi ce que les gens dans certains cas perdent de vue », a poursuivi M. Charette, sur un ton qui se voulait pédagogique. « J’ai la responsabilité de l’environnement, certainement, mais j’ai aussi la responsabilité de la transition énergétique et c’est un superbe projet de transition énergétique ».
« [S’IL Y AVAIT EU UN BAPE], ON AURAIT VRAISEMBLABLEMENT DÛ ATTENDRE ENTRE 18 ET 24 MOIS POUR DONNER UN SIGNAL À L’ENTREPRISE. C’EST LÀ OÙ LES ÉTATS QUI POUVAIENT LUI FAIRE LA COUR AURAIENT SANS DOUTE RÉUSSI À ALLER LA CHARMER. »
– Benoit Charette, ministre de l’Environnement
TOUT DE MÊME UNE ÉVALUATION
L’habitude étant une seconde nature, le ministre a ensuite affirmé comme il a coutume de le faire que « ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de BAPE qu’il n’y a pas d’évaluation environnementale », et que Northvolt devra respecter la « réglementation stricte » qui est en vigueur.
Le ministre a également révélé dans une entrevue donnée à La Presse mardi que l’entreprise suédoise a demandé à Québec de modifier des règles d’assujettissement spécifiques pour la filière batterie.
Au moment d’établir ces règles en février 2023, le gouvernement voulait un seuil de 30 gigawattheures (GWh) pour passer au BAPE, soit exactement la capacité de l’usine de Northvolt.
L’entreprise aurait alors suggéré de faire passer ce seuil à 40 ou 50 GWh, a dit M. Charette à La Presse.
Mais le gouvernement a finalement retiré le changement qui était proposé, et aucun seuil ne figure dans la version définitive du règlement, publié en juillet dernier.
PAS DE DÉMARCHE, DIT NORTHVOLT
Après avoir refusé la demande d’entrevue du Journal, Northvolt a fait parvenir une déclaration écrite dans laquelle elle soutient n’avoir fait aucune démarche pour « modifier des seuils déjà présents dans la réglementation », et avoir fait cette suggestion « dans le cadre d’une consultation publique ouverte à tous ».
« Notre commentaire visait à permettre à la réglementation québécoise de refléter la réalité du secteur de la production de batteries à l’échelle mondiale », a-t-on souligné.