1,5 M$ à ce DJ d’ici pour diffamation
Un artiste québécois s’était fait boycotter à la suite de fausses dénonciations d’inconduites sexuelles
Un artiste québécois qui s’était fait bannir à la suite de l’acharnement d’une internaute relayant de fausses allégations d’agressions sexuelles a eu gain de cause devant le tribunal, qui a condamné la femme à lui verser 1,5 million $.
« Le mouvement #MoiAussi a été salutaire et nécessaire pour amener à l’avantplan [le fléau] des agressions sexuelles. Michaela Higgins, toutefois, a franchi la limite avec ses publications dépeignant Frédérik Durand comme un abuseur sexuel en série en se basant sur des sources fausses ou douteuses », a récemment commenté le juge Nicholas Devlin, de la Cour du banc du Roi de l’Alberta.
Cette affaire singulière, qui illustre comment un mouvement peut être détourné, est survenue en 2020 quand une Californienne a décidé de cibler M. Durand, alias Snails. Spécialisé en musique électro, le DJ donnait jusqu’à 125 performances par an. Au total, ses revenus pouvaient atteindre 3 millions $, indique le jugement rendu le mois dernier.
PRÉDATEUR, VRAIMENT ?
Mais son monde s’est effondré quand Michaela Higgins a ouvert un compte Instagram l’accusant d’inconduite sexuelle, en le qualifiant même de « prédateur ».
« Les messages ciblaient les promoteurs pour qu’ils annulent ses événements », peut-on lire dans le jugement.
Combinés à la pandémie, ces messages diffamatoires ont fait en sorte que M. Durand a vu ses revenus chuter drastiquement.
S’est ensuivie une poursuite civile pour diffamation en Alberta, étant donné que certains messages visaient à faire annuler une tournée dans cette province de l’Ouest. Il y avait également un intérêt stratégique puisque, dans le reste du Canada, le droit civil est différent du Québec.
Mme Higgins, qui se faisait aussi appeler Caeli La sur internet, avait choisi de se défendre seule.
ALLÉGATIONS DÉMENTIES
Le procès civil s’est donc tenu à Edmonton. Pour avoir gain de cause, M. Durand devait démontrer que la femme, par ses publications, voulait détruire sa réputation auprès d’autres personnes. Il n’avait pas à prouver que les propos étaient faux.
« M. Durand est allé plus loin encore, pour laver son nom autant que possible », a toutefois noté le magistrat.
Ainsi, l’artiste est allé retrouver plusieurs des femmes mentionnées dans les publications diffamatoires, pour démontrer que Mme Higgins avait déformé la réalité afin de faire passer des rencontres consensuelles pour des agressions sexuelles.
« Une des femmes [qui avait été agressée sexuellement, selon Mme Higgins] avait publiquement réfuté les allégations, a fait remarquer le juge. Mais dans l’instantanéité de l’époque, elle s’est mise à être attaquée en ligne pour avoir défendu M. Durand », a déploré le juge en rappelant que Mme Higgins avait fait fi des publications qui n’allaient pas dans le sens de son narratif erroné.
Le juge a également puni Michaela Higgins pour avoir partagé d’autres publications, en rappelant qu’il existe à tort une « croyance que partager des propos diffamatoires écrits par d’autres est une activité protégée ».
CORRIGER LA PERCEPTION
« Cette mé-compréhension devrait être corrigée de façon ferme, a rappelé le magistrat. Partager ou republier des déclarations diffamatoires est tout aussi diffamatoire que la déclaration d’origine. »
Donnant raison à M. Durand, le juge lui a ainsi accordé 1,5 million $, soit la moitié de ce qu’il réclamait. C’est que sa perte de revenus ne pouvait pas être attribuée qu’à Mme Higgins, puisque la pandémie a aussi joué un rôle là-dedans.
Mais à ceux qui penseraient que les femmes victimes d’inconduites sexuelles devraient se taire, le juge a rappelé l’importance de conscientiser le public sur le sujet.
« Il doit y avoir des espaces sécuritaires pour envoyer des mises en garde concernant le comportement de personnalités publiques », a-t-il tonné, en rappelant toutefois que « ceux qui cherchent à publiciser les allégations dans l’intérêt public doivent le faire de façon juste ».
Le cas de Mme Higgins et de M. Durand illustre toutefois les risques de « partager allégrement du contenu diffamatoire dans la jungle des réseaux sociaux, qui ont une aversion pour les faits vérifiés », a conclu le magistrat.