Le Journal de Montreal

Traverser 16 pays pour enfin obtenir sa liberté

L’Haïtienne n’avait que 24 ans quand elle a pris son courage à deux mains pour fuir

- CLARA LOISEAU

Une jeune demandeuse d’asile haïtienne sent enfin qu’elle est respectée, qu’elle peut s’exprimer et qu’elle est libre, après avoir traversé 16 pays à pied, en autobus et en avion pour fuir son pays avec son bébé à naître.

« Sincèremen­t, je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire les droits de la femme. Je crois qu’en Haïti, ça n’existe juste pas. Ici, je sens que je suis libre », laisse tomber Anderline Louis, une demandeuse d’asile qui est installée au Québec depuis 2021.

Le témoignage a été fait dans le cadre de la Journée internatio­nale des droits des femmes, soulignée aujourd’hui.

Cette jeune mère a fui Haïti après avoir été victime d’une tentative de meurtre et de violence conjugale.

« Il m’a battue alors que j’étais enceinte de sept mois de Freud. J’ai cru qu’il allait me tuer et gravement blesser mon enfant », relate-t-elle, en posant un doux regard sur son fils de 4 ans en train de colorier.

C’est cet évènement qui a créé en elle le déclic pour quitter vers le Canada, pays où elle rêvait d’aller depuis qu’elle était enfant.

« Je ne savais pas comment venir, je n’ai personne ici : pas de famille, pas d’amis. Mais je me suis toujours dit qu’un jour, je viendrais ici », explique-t-elle, sans savoir pourquoi elle était attirée par ce pays.

UN GRAND SAUT DANS LE VIDE

À seulement 24 ans, elle a traversé 16 pays avant de franchir la frontière canadienne sur le chemin Roxham le 29 décembre 2021. Un périple de près de deux ans qu’elle a commencé enceinte de huit mois.

À pied, en autobus, en bateau, elle a transporté son fils à travers la République dominicain­e, la Guyane française, Saint-Domingue, le Brésil, le Suriname, la Bolivie, le Pérou, l’Équateur, la Colombie, le Panama, le Costa Rica, le Honduras, le Nicaragua, le Guatemala, le Mexique et les États-Unis.

« C’était vraiment difficile. On a vu beaucoup de morts, beaucoup de souffrance. Des gens avaient des pieds cassés, des femmes enceintes agenouillé­es qui disaient à leur mari qu’elles ne pouvaient plus continuer », confie-t-elle, la gorge encore serrée par l’émotion.

Tout au long de son voyage, Anderline Louis ne voyait que son but se rapprocher, ce qui lui donnait la force de continuer.

AU TOUR D’OTTAWA MAINTENANT

Aujourd’hui, après avoir déposé sa demande de résidence permanente il y a deux ans, celle qui travaille comme préposée aux bénéficiai­res attend encore que son dossier soit traité pour pouvoir continuer d’aller de l’avant.

« Je suis jeune, j’ai beaucoup à offrir au Québec et surtout, je veux aider les Québécois », explique-t-elle, en ajoutant vouloir faire d’autres études et continuer de s’investir dans le domaine de la santé.

« SINCÈREMEN­T, JE NE SAIS PAS VRAIMENT CE QUE ÇA VEUT DIRE LES DROITS DE LA FEMME. JE CROIS QU’EN HAÏTI, ÇA N’EXISTE JUSTE PAS. ICI, JE SENS QUE JE SUIS LIBRE. »

– Anderline Louis

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PHOTOS CLARA LOISEAU Anderline Louis, 28 ans, avec son fils, Freud, 4 ans, devant le Carrefour d’aide aux nouveaux arrivants du quartier Ahuntsic.

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