Le Journal de Montreal

La mission d’un homme de coeur

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Son nom est Claude Paradis. Il est prêtre. Depuis des décennies, cet ancien itinérant et toxicomane prend soin des grands oubliés de la société. On le voudrait tellement comme ministre de l’Habitation. Lui, au moins, saurait de quoi il parle et ce faisant, il agirait en conséquenc­e.

L’abbé Paradis est frappé par la brutalité de la crise du logement. Exacerbée d’autant plus par la pandémie et l’inaction de décideurs politiques à la vie peut-être un peu trop douillette.

Dans Le Journal d’hier, on apprenait qu’il campe dans une tente et jeûne à ciel ouvert au centre-ville de Montréal.

Sa mission : tenter d’« éveiller la conscience des gouverneme­nts et de la mairesse [Valérie Plante] » face aux nouveaux visages de la crise du logement. Y compris ceux, de plus en plus nombreux, de femmes et d’hommes plus âgés ayant travaillé dur toute leur vie.

Soyons clairs. Ceux et celles qu’on appelle les « itinérants » sont en fait des personnes sans domicile fixe (SDF). De plus en plus souvent les victimes d’évictions sauvages, elles sont incapables de se reloger à un prix vivable.

Face à la rareté scandaleus­e de logements sociaux ou abordables et la plus forte hausse des loyers des trente derniers ans, elles se retrouvent soit à la rue, dans un refuge ou une chambre insalubre, ou sont forcées de dormir sur le divan d’un autre.

En ce 8 mars, Journée internatio­nale des droits des femmes, rappelons qu’au Québec, les femmes forment maintenant plus de 30 % des personnes SDF. Ce qui, en plus, en fait des proies pour exploiteur­s financiers et/ou sexuels.

ÂGÉES ET SANS DOMICILE FIXE

Puis, il y a de plus en plus de mères qui n’arrivent plus. « Il y a tellement de familles dans le besoin, dit l’abbé Paradis, qui sont à un pied de tomber dans la rue. Quand j’entends des enfants pleurer de faim parce que leurs mères doivent choisir entre le loyer et la nourriture, ça me touche tellement ».

Samedi, un reportage de La Presse faisait le portrait inquiétant d’un nombre croissant de femmes et d’hommes qui, âgés de plus de 60 ans, se retrouvent sans domicile fixe même après une vie de labeur.

On y note que « 36 % des personnes en situation d’itinérance au Québec avaient plus de 50 ans en 2022. Elles étaient 32 % en 2018 ». Ouf...

Or, les histoires de drames humains ont beau se multiplier dans les médias, qui, au sommet du pouvoir, tous paliers confondus, s’en émeut au point d’agir ?

OÙ EST LE SHÉRIF ?

Dans le Far West cruel qu’est devenu le marché locatif, on cherche encore où se cache le shérif. Au Québec, ce n’est sûrement pas la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau. En attendant que l’on construise un jour un peu plus, qu’attend-on pour agir vraiment ? Pour encadrer les prix des loyers de manière plus serrée. Pour imposer un moratoire sur les évictions, le temps que la crise se résorbe.

Pour créer un registre panquébéco­is des loyers. Pour accélérer la rénovation des logements sociaux existants et la constructi­on de nouveaux. Pour soutenir concrèteme­nt la création de coopérativ­es de logement. Etc.

Ces mesures et d’autres encore ne sont ni de droite ni de gauche. Dans le contexte actuel, elles seraient responsabl­es et humanistes. Point.

Mais tout cela exigerait trois éléments vitaux qui, malheureus­ement, manquent à l’appel. Primo, la capacité des élus au pouvoir, où qu’ils soient, d’aller à la rencontre des victimes de la crise du logement.

Deuxio, l’habileté intellectu­elle et émotionnel­le de se mettre ensuite à leur place. Tertio, devant l’ampleur de la crise, la volonté d’agir sur tous les fronts.

L’urgence d’avoir un vrai plan crève pourtant les yeux. Un vrai plan pour offrir un vrai toit à tous ceux et celles qui n’en ont plus. Sans oublier tous ceux qui, faute de pouvoir se payer mieux, sont forcés de rester dans un logement insalubre ou sont face à un proprio se refusant à le réparer.

L’urgence est de s’assurer que tous les citoyens de ce territoire puissent vivre dans la dignité. Le logement n’est pas une vulgaire marchandis­e. C’est un droit. Qui aura suffisamme­nt le sens de l’État et du bien commun pour y voir ?

Le logement n’est pas une vulgaire marchandis­e. C’est un droit.

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