Se tourner collectivement vers l’avenir
Le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, est l’occasion de prendre un temps d’arrêt pour réfléchir collectivement aux luttes féministes passées, présentes et futures.
Cette année, plus que jamais, c’est une occasion de revendiquer nos droits, ici, au Québec, comme femmes, mères, amies, conjointes, proches aidantes et travailleuses.
À l’automne dernier, par les jours de grand froid, le Québec entier l’a vu sur les lignes de piquetage. Les femmes sont sorties ensemble avec leurs pancartes : le jour, le soir et la nuit. Elles ont scandé et manifesté leur besoin de respect et d’être enfin reconnues.
« PRENDRE SOIN »
Pourquoi cette lutte des professionnelles en soins contre les mesures néolibérales dans les services publics a-t-elle commencé il y a déjà près de 40 ans ? Au fil des années, de déficits zéro, en fermeture d’établissements, en modes de gestion abusifs, les gouvernements ont nié la valeur du « prendre soin ».
Les réformes successives, avec les objectifs d’accroissement d’efficacité, ont placé la productivité et les statistiques avant la qualité des soins. Les professionnelles en soins ont vu le temps qu’elles passaient à soigner, à écouter et à faire de la prévention disparaître. Il ne leur reste désormais que le temps d’éteindre des feux.
Les membres de la FIQ, des professionnelles en soins à 90 % de femmes, ont essuyé toutes les réformes comptables, gestionnaires et déshumanisantes. Et c’est assez !
Au moment où nous écrivons ces lignes, elles sont toujours en attente d’une convention collective qui rendra justice à leur travail et à leurs compétences : conciliation travail-vie personnelle, ratios professionnels en soins/patients et stabilité des postes. Cette lutte n’est pas terminée et les professionnelles en soins sont prêtes à se battre jusqu’au bout.
DÉJÀ VU
Une lutte qui s’inscrit dans du déjà vu : les ornières du patriarcat qui prédispose les femmes qui travaillent dans des emplois à prédominance féminine à le faire à bas salaire, dans le silence.
L’absence de valorisation des emplois du « prendre soin » s’inscrit dans une logique où l’on considère que les enseignantes, les éducatrices de la petite enfance, les travailleuses sociales ou les professionnelles en soins ne méritent pas de salaire décent et de meilleures conditions de travail, car elles exercent leur profession par « vocation ». Comme le souligne Angelo Soares, sociologue du travail à l’UQAM, les dimensions du travail du « prendre soin » restent encore douloureusement invisibles aux yeux des gouvernants, car, dans ce travail, les relations humaines sont ignorées par les gestionnaires. Pourtant, l’écoute active, la construction d’une relation de confiance et la diplomatie sont des compétences essentielles pour l’humanisation des soins.
Il est grand temps que ce gouvernement paternaliste du Québec s’ouvre les yeux : la lutte actuelle des professionnelles en soins est une lutte féministe. Est-il possible de rêver que l’on accepte de se tourner collectivement vers l’avenir, plutôt que de répéter inlassablement le passé ? Quitter le temps de l’exploitation et du travail forcé des femmes pour enfin leur donner les moyens de soigner dans la dignité. C’est pourtant simple. Toute la société québécoise l’a compris, sauf le gouvernement.
La lutte ne s’arrête donc pas. La mobilisation continue : les professionnelles en soins de la FIQ organisent une manifestation, le 16 mars prochain, à Québec, pour défendre le réseau de la santé et des services sociaux public, pour vous, pour vos enfants, pour vos parents et pour tous vos proches.