Le Journal de Montreal

Des milliers de dollars en pénalités

Plusieurs Québécois font les frais d’une nouvelle loi qui accorde plus de responsabi­lités aux notaires

- RICHARD OLIVIER

Des Québécois qui changent de prêteur hypothécai­re pour avoir un meilleur taux d’intérêt se butent depuis le début de l’année à de longs délais avant de pouvoir passer chez le notaire. Certains ont perdu des centaines, voire des milliers de dollars en pénalités.

C’est ce qui est arrivé à Guillaume Paré et Stéphanie Beaudet, propriétai­res d’un cottage à Lanoraie, dans Lanaudière, depuis deux ans.

La Banque Nationale, où ils étaient clients, leur offrait un taux de 7 % alors qu’un courtier hypothécai­re leur en a trouvé un de 5 % chez Manuvie, ce qui les a convaincus de changer de prêteur.

Mais ce qui devait être réglé avant l’échéance du prêt, le 15 décembre 2023, s’est conclu un mois plus tard.

Ni Manuvie ni son partenaire dans la transactio­n, la compagnie d’assurances titres FNF, n’ont pu trouver un notaire à temps. Chaque jour qui passait augmentait les pénalités calculées par la Banque Nationale.

« Ça a augmenté à 2700 $. [...] C’est pratiqueme­nt le capital qu’on a payé dans l’année. C’est comme si on disait que l’année dernière nous n’avions payé que des intérêts sur notre prêt », se désole Mme Beaudet.

NOUVELLE LOI

Ces délais ont comme origine une nouvelle loi pour moderniser le notariat, adoptée l’automne dernier par Québec.

Elle a réanimé une vieille guerre qui oppose les notaires aux compagnies d’assurance titres.

En effet, en plus de vendre des polices, ces compagnies préparent aussi, à des tarifs très bas, les documents légaux des banques servant aux refinancem­ents hypothécai­res.

Avec la nouvelle loi, ce travail serait maintenant exclusif aux notaires.

La Chambre des notaires voit d’un bon oeil cette nouvelle loi. Selon sa présidente Hélène Potvin, cela permettra de « ramener le notaire près du citoyen pour qu’il puisse mieux l’informer de ses droits ».

En janvier, la Chambre a avisé ses membres qu’ils n’avaient plus le droit d’accepter les documents préparés par les compagnies d’assurance titres.

Conséquenc­e, les notaires qui continuero­nt d’accepter les dossiers de refinancem­ent hypothécai­re avec ce genre de documents risquent de se faire taper sur les doigts par leur ordre profession­nel.

D’où les délais pour trouver un notaire qui les accepte encore, comme l’a constaté Véronique Caron, courtière hypothécai­re et gestionnai­re chez Multi-Prêts : « J’ai cinq à six dossiers à gérer tous les jours parce qu’il y a des délais avec FCT », raconte-t-elle.

1200 $ DE PÉNALITÉ

Une situation dont Abel Chouinard, qui possède une copropriét­é à Montréal, a fait aussi les frais. Il a décidé l’automne dernier de quitter Desjardins pour la Banque Nationale. La BN lui offrait un crédit de 900 $ pour couvrir les frais de notaires.

Sous les conseils de sa courtière hypothécai­re, il passe par les services de FCT, l’autre grosse compagnie d’assurances titres au Québec. Le renouvelle­ment prévu le 19 novembre a finalement eu lieu trois mois plus tard. Ces délais lui ont coûté plus de 1200 $.

« C’est comme si on avait choisi une compagnie aérienne au rabais et qu’on se retrouve avec le même prix qu’un vol d’Air Canada. C’est un peu frustrant », déplore M. Chouinard.

POURSUITE JUDICIAIRE

Les deux principale­s compagnies d’assurances titres au Québec poursuiven­t donc la Chambre des notaires et demandent à la Cour de clarifier une fois pour toutes cette question.

Entre-temps, les courtiers hypothécai­res craignent encore plus de retards étant donné les volumes de renouvelle­ments anticipés dans les prochains mois.

En attendant que ça se règle, Stéphanie Beaudet espère que les banques seront conciliant­es envers les consommate­urs.

« On a tout fait dans les règles. On a respecté les délais. On était même en avance. Mais malgré ça finalement c’est nous qui payons la note », déplore-t-elle.

 ?? CAPTURES D’ÉCRAN, J.E ?? 1. Guillaume Paré et Stéphanie Beaudet, de Lanoraie, ont dû payer 2700 $ de pénalité, faute de pouvoir trouver à temps un notaire pour leur changement de prêteur hypothécai­re. 2. Abel Chouinard, de Montréal, a, lui, attendu trois mois pour passer chez le notaire lorsqu’il a changé de prêteur. 3. Hélène Potvin, présidente de la Chambre des notaires du Québec, voit d’un bon oeil la nouvelle loi adoptée l’automne dernier et qui modernise la profession. 1
CAPTURES D’ÉCRAN, J.E 1. Guillaume Paré et Stéphanie Beaudet, de Lanoraie, ont dû payer 2700 $ de pénalité, faute de pouvoir trouver à temps un notaire pour leur changement de prêteur hypothécai­re. 2. Abel Chouinard, de Montréal, a, lui, attendu trois mois pour passer chez le notaire lorsqu’il a changé de prêteur. 3. Hélène Potvin, présidente de la Chambre des notaires du Québec, voit d’un bon oeil la nouvelle loi adoptée l’automne dernier et qui modernise la profession. 1
 ?? ?? 2
2
 ?? ?? 3
3

Newspapers in French

Newspapers from Canada