Le Journal de Montreal

Planter avant le 23 mai est à vos risques et périls

Les experts craignent les méfaits du gel tardif tant pour le potager qu’en forêt

- MATHIEU-ROBERT SAUVÉ

Les premières tiges de sanguinair­es et de crocus sortent déjà de terre dans le sud du Québec, mais les experts craignent les méfaits des gels tardifs qui pourraient affecter leur croissance.

« En 25 ans je n’avais jamais vu ça », lance Sergio Rossi, professeur à l’Université du Québec à Chicoutimi au sujet de l’hiver qui se termine aussi tôt. Ce spécialist­e de l’effet du réchauffem­ent climatique sur les forêts constate que les érables du Saguenay coulent avec cinq ou six semaines d’avance (voir en page 7 pour les détails météo du weekend).

« Nous nous attendions à un effet El Niño, mais pas à de tels épisodes de redoux. Est-ce le début d’une série de printemps hâtifs ? Il faut attendre quelques années avant de tirer des conclusion­s », affirme cet immigrant italien installé au Saguenay depuis 2006.

Même si la forêt boréale est résiliente, il craint les gels tardifs possibles jusqu’au mois de mai, « ce qui pourrait avoir des conséquenc­es sur la croissance des arbres et sur l’économie forestière », dit-il. Sans parler des dangers d’un sol sec dès le début de la saison chaude, propice aux feux de forêt.

Pour se préparer aux grands froids, les arbres se gorgent à l’automne d’une sève riche en antigel naturel, ce qui leur permet de tenir jusqu’au printemps. Mais quand la chaleur s’installe et que les jours allongent, cette protection s’estompe, exposant les bourgeons à des effets désastreux en cas de gel tardif.

BON POUR LE MORAL

Le beau temps est « bon pour le moral des horticulte­urs, mais une seule nuit de gel peut compromett­re nos semences », mentionne Yves Lambert, de la Fédération des sociétés d’horticultu­re et d’écologie.

Même son de cloche de Joshua Jarry, préposé aux renseignem­ents horticoles au Jardin botanique de Montréal.

« Notre calendrier des semis demeure inchangé cette année même si les conditions printanièr­es semblent déjà bien installées », insiste-t-il en mentionnan­t le 28 février, où le mercure est passé de 13 °C à -12 °C en quelques heures.

RÉSILIENCE VARIABLE

Quelques plantes peuvent tolérer des chutes de températur­e même après être sorties de terre. C’est le cas des tulipes et des crocus qui commencent à pousser dès que le sol est dégelé. Mais leur résistance n’est pas sans limites.

« En cas de gel tardif, les fleurs pourraient alors être moins abondantes ou même absentes de certaines tiges », poursuit M. Jarry

Pour de nombreuses espèces plus sensibles – comme la plupart des plantes du potager –, la chute du mercure peut avoir des effets dévastateu­rs. « Sur cinq plants de tomates, un seul survivra au gel subit », donne pour exemple M. Lambert.

La date butoir pour sortir les semences extérieure­s est la dernière pleine lune de mai, qui ne surviendra que le 23.

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PHOTO FOURNIE PAR SOPHIE GINGRAS À Laval, des sanguinair­es blanches ont déjà commencé à fleurir même si le printemps n’est encore que dans deux semaines.
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Professeur SERGIO ROSSI

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