L’anonymat réclamé pour les témoins d’un accident de travail chez ArcelorMittal
Les Tribunaux protègent parfois l’identité de criminels repentis lors de procès, mais cette mesure qui vise à protéger les témoins de représailles peut-elle s’appliquer à des employés qui craignent de témoigner contre leur employeur ?
Voilà la question qui doit être tranchée dans le cadre du procès de la compagnie ArcelorMittal, accusée de négligence criminelle.
Le procureur aux poursuites criminelles et pénales a présenté sa plaidoirie mercredi au palais de justice de Sept-Îles.
La demande d’ordonnance de nonpublication sur l’identité de 39 témoins a un caractère inusité, a souligné d’emblée Me Claude Girard.
Dans sa plaidoirie de deux heures, il a souligné que la protection de témoins (employés, ex-employés et fournisseurs d’ArcelorMittal) était dans ce cas-ci nécessaire pour protéger ces derniers d’éventuelles représailles. Ils devront témoigner des circonstances entourant un accident de travail au cours duquel un travailleur a subi des blessures sérieuses lors du bris d’un convoyeur au complexe minier du mont Wright à Fermont.
Selon Me Girard, un conflit de loyauté peut se produire, ce qui risque d’empêcher des personnes de témoigner librement. Au cours des deux dernières semaines, il a été démontré que d’éventuels témoins ont exprimé un malaise à livrer un témoignage contre leur employeur ou leur client.
Le procureur aux poursuites criminelles et pénales a soulevé le risque qu’un employé qui témoignerait contre les intérêts de son employeur puisse avoir difficilement accès à une promotion dans le futur.
Il a aussi évoqué une possible division au sein de la population de Fermont, où ArcelorMittal est le poumon économique.
Il a également souligné la possibilité que les membres de la famille de témoins fassent l’objet de quolibets dans la communauté de Fermont après leur passage en cours.
LA LIBERTÉ DE LA PRESSE EN JEU ?
Sachant qu’une ordonnance de non-publication vient compromettre le principe de la publicité des procès, Me Claude Girard a souligné que sa demande est somme toute limitée et n’empêcherait pas les médias de rapporter le contenu de la preuve.
Selon lui, la protection de l’identité de témoins est la mesure qui porte le moins atteinte à la liberté de la presse.
Le procureur d’ArcelorMittal, Me Michel Massicotte, s’oppose à la demande d’ordonnance de non-publication.
Me Massicotte et l’avocat de deux médias, Radio-Canada et TVA, exposeront leurs arguments jeudi prochain.