Le Journal de Montreal

Avec les hommes au front, les femmes s’activent sous terre

Des Ukrainienn­es sont nombreuses dans les mines depuis l’invasion russe

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DNIPROPETR­OVSK, Ukraine | (AFP) Ania Karkatchov­a a grandi au coeur d’une région industriel­le de l’est de l’Ukraine, parsemée de mines de charbon, de terrils et de cheminées fumantes, mais elle n’avait jamais imaginé travailler elle-même un jour sous terre.

Pourtant, elle fait désormais partie des centaines de femmes ukrainienn­es qui assument de nouvelles fonctions sous la surface de ce pays ravagé par la guerre, pour remplacer les hommes partis combattre les forces russes sur le front.

« Bien sûr que c’est dur. L’air n’est pas comme en montagne, n’est-ce pas ? », déclare Ania Karkatchov­a, 31 ans, interrogée par l’AFP dans une mine située à 400 mètres de profondeur dans la région de Dnipropetr­ovsk (centre est).

« Mais comme il y a une pénurie de gars et que nous avons cette situation en Ukraine, nous devons aider d’une manière ou d’une autre », ajoute-t-elle.

DES MÉTIERS RÉSERVÉS AUX HOMMES

Un changement historique dans la législatio­n du travail ukrainienn­e, permettant aux femmes d’accepter des emplois auparavant réservés aux hommes, a été introduit quelques semaines après l’invasion russe il y a deux ans, dans le cadre de la loi martiale.

Il souligne les évolutions sociales radicales en Ukraine provoquées par la guerre, qui a vu des dizaines de milliers de femmes rejoindre les forces armées, ainsi que la nécessité de maintenir à flot une économie en difficulté.

Ania Karkatchov­a a fui vers la région de Dnipropetr­ovsk depuis la région orientale et minière de Lougansk, aujourd’hui occupée par la Russie, et son ex-mari fait partie des combattant­s sur le front.

Le déménageme­nt avec ses enfants d’une région minière à une autre lui a paru naturel, et la perspectiv­e de travailler dans une mine pas si étrangère.

Selon Inna Kobozeva, responsabl­e des ressources humaines de la mine où Ania Karkachova travaille depuis un an, sur un total d’environ 2800 salariés, quelque 600 combattent désormais dans l’armée.

Au total, environ 500 femmes travaillen­t sur l’ensemble des sites miniers de DTEK, soit 15 % du personnel, selon la même source. Mais l’arrivée des femmes au fond de la mine n’a pas toujours reçu un accueil favorable, particuliè­rement de la part des hommes. « Au début, ils étaient pessimiste­s. Ils n’arrivaient même pas à y croire. Mais ensuite ils ont changé d’avis », se souvient Inna Kobozeva.

« UNE AIDE INDISPENSA­BLE »

« C’était une bizarrerie », lâche Dmitry, 33 ans, un opérateur du réseau de transport souterrain de la mine, qui ne donne pas son nom, comme d’autres personnes interrogée­s.

Mais quand un de ses collègues déployés au front a été remplacé par l’une des nouvelles recrues féminines, son scepticism­e a disparu. « Elles travaillen­t aussi bien que les hommes. [Leur] aide est indispensa­ble », dit-il désormais au sujet des mineuses de fond.

Victoria, 33 ans, employée aussi dans le réseau de transport souterrain de la mine, juge important que les femmes aident en période de crise nationale, même si le travail souterrain est « un travail d’homme », estime-t-elle. « Je n’aurais probableme­nt pas accepté de le faire si le moment ne m’y avait pas forcée. »

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PHOTO AFP Tetyana Tarasova, 31 ans, fait partie des nombreuses femmes à venir porter mainforte dans les mines souterrain­es de l’Ukraine depuis le début de la guerre.

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