Le ministre fédéral de l’Immigration se moque du Québec sur le dossier des demandeurs d’asile
Le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, a expliqué sa décision de réimposer un visa aux ressortissants mexicains, lors d’une conférence de presse récente.
Bien que l’objectif de freiner le flux de demandeurs d’asile provenant du Mexique soit rationnel, les autres commentaires du ministre démontrent sa détermination à dénigrer le Québec dans le dossier de l’asile. Il dénonce un « narratif nocif » contre le gouvernement fédéral, sans mentionner le contexte d’une hausse fulgurante des demandes d’asile dans le pays. Il insiste sur leurs droits, mais en exagérant leur portée et en créant de fausses attentes. Sa volonté de se positionner contre le gouvernement Legault est claire.
Il y a deux facteurs qui expliquent historiquement le nombre limité de demandes d’asile au Canada : une position géographique relativement isolée et une politique stricte de visa. Les nouveaux moyens de transport et communication sont tels que la mobilité internationale a atténué le premier facteur. Quant au deuxième, le gouvernement Trudeau est en train de le réduire en délivrant les visas de manière plus laxiste. Un plus grand nombre de ressortissants étrangers ont accès aux procédures canadiennes d’asile grâce à cette nouvelle politique. C’est ce que conteste le Québec.
VISAS
Pourtant, le ministre Miller essaye de manière maladroite et discordante de suggérer lors de la conférence que « nos conventions internationales » ne permettent pas d’imposer des visas qui empêcheraient les étrangers de voyager au Canada pour demander l’asile. Il est sans doute conscient de l’aspect non-dit du système international : les pays occidentaux utilisent depuis longtemps les visas pour se protéger contre les flux de demandeurs d’asile.
Le ministre veut tellement projeter une image d’ouverture qu’il laisse sous-entendre une position considérée comme radicale même par le milieu progressiste. Il fait ceci quelques secondes avant de critiquer ceux qui suggèrent que le gouvernement Trudeau aurait laissé « les portes grand ouvertes ».
Son positionnement politique est parfaitement clair quand il revient sur les obligations juridiques en affirmant l’existence d’un droit d’audience pour les demandeurs d’asile. La Cour suprême interprète toutefois la Charte canadienne des droits et libertés de façon plus nuancée : l’obligation d’accorder une audience existe seulement s’il n’est pas possible de les renvoyer vers un pays sûr. C’est la nuance qui a permis de fermer le chemin Roxham.
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Sauf que les nuances ne conviennent pas au ton moralisateur du ministre Miller. Il dénonce la xénophobie pendant la conférence en expliquant qu’il ne faut pas blâmer les demandeurs d’asile pour la crise du logement. Il refuse de comprendre que c’est la politique fédérale qui est critiquée, pas les migrants.
Le ministre dénonce le Québec pour lui avoir demandé un remboursement « sur la place publique », même si les autorités municipales de Toronto ont fait du chantage à travers les médias pour obtenir des fonds du fédéral. Cela ne l’empêche pas d’expliquer que l’Ontario s’est mieux comporté, car il « a été moins public ».
Le dossier de l’asile est délicat, mais il est possible d’aborder les dilemmes de manière sérieuse en cherchant le juste équilibre entre compassion et fermeté.
Malheureusement, les déclarations du ministre fédéral de l’Immigration révèlent ses engagements idéologiques et démontrent sa préoccupation d’instrumentaliser ce dossier pour se faire du capital politique. Le Québec devra en tirer les leçons afin de défendre son autonomie et préserver sa souveraineté parlementaire sur l’enjeu important de l’immigration.
Michael Barutciski, juriste et professeur à l’École des affaires publiques et internationales de Glendon, Université York, Toronto