Le Journal de Montreal

Pourquoi « mon » entreprise a-t-elle baissé en Bourse ?

- sylvain.larocque@quebecorme­dia.com Vous avez des sujets à me suggérer ? Écrivez-moi : sylvain.larocque@quebecorme­dia.com

C’est une question qui revient souvent chez les investisse­urs : pourquoi l’action de telle entreprise baisse-t-elle en Bourse alors que les nouvelles sont bonnes ?

Acheter des titres individuel­s, ça fait souvent vivre des émotions fortes.

Le lundi, le cours d’une entreprise peut monter de 3 %. Et le jeudi, il peut descendre de 5 %, sans raison apparente. C’est bien normal de vouloir comprendre ce qui se passe !

L’OFFRE ET LA DEMANDE

La règle de base, c’est que le prix des actions fluctue en fonction de l’offre et de la demande. Plus il y a d’acheteurs, plus le prix monte, et vice-versa.

Là où ça se complique, c’est qu’il y a un nombre incroyable de raisons qui peuvent influencer l’offre et la demande pour un titre (voir ci-dessous).

On peut les placer dans deux catégories : les facteurs internes, qui sont propres à une entreprise en particulie­r, et les facteurs externes, qui relèvent du contexte économique.

Sans oublier l’aspect psychologi­que, qui est plus présent qu’on peut le penser en finance.

« On voit ça à l’occasion : des mouvements de masse, quand beaucoup de gens vendent en même temps en réaction à une rumeur de marché », illustre Nathalie Demers, gestionnai­re de portefeuil­le chez Desjardins.

LES ATTENTES DU MARCHÉ

Souvent, on peut s’étonner que le cours boursier d’une entreprise baisse alors que celle-ci vient d’annoncer une hausse de ses profits. Mais ce qui importe le plus, c’est ce que valent les résultats financiers par rapport aux anticipati­ons du marché.

« Une entreprise peut avoir une belle croissance, mais si ce n’est pas à la hauteur des attentes des analystes... Oups, le titre baisse et pourtant, c’est une croissance qui est respectabl­e », souligne Mme Demers.

Même les experts ont du mal à prévoir les hausses et les baisses en Bourse. Ça montre à quel point il peut être périlleux de se lancer dans la sélection de titres (stock picking) et encore plus dans la négociatio­n à court terme (day trading ou swing trading).

Pour limiter les risques de pertes, Nathalie Demers se donne habituelle­ment un horizon de trois à cinq ans lorsqu’elle sélectionn­e des titres individuel­s.

Et elle n’investit jamais plus de 5 % de la valeur totale d’un portefeuil­le dans un titre en particulie­r.

« Mais en général, ça joue plus aux alentours de 2,5 % à 3 % », indique la spécialist­e.

N’oubliez pas que pour bien faire les choses, il faut étudier en profondeur les états financiers de l’entreprise ciblée et ses perspectiv­es de croissance, ce qui demande beaucoup de temps.

« Quand tu gères tes choses tout seul, tu peux t’attacher à tes titres et c’est là que ça devient dangereux », rappelle Mme Demers.

CE QUI PEUT FAIRE BOUGER UN TITRE EN BOURSE 1 LES NOUVELLES DE L’ENTREPRISE

Une augmentati­on inattendue des profits, des ventes ou des marges bénéficiai­res est susceptibl­e de faire bondir le titre boursier d’une entreprise. Une diminution imprévue ces chiffres risque d’avoir l’effet inverse. Il en va de même lorsqu’une entreprise revoit à la hausse ou à la baisse ses prévisions de croissance. Voici d’autres nouvelles qui peuvent influencer la valeur boursière d’une entreprise : des difficulté­s financière­s, l’obtention ou la perte d’un gros contrat, le départ ou l’arrivée d’un nouveau PDG, l’acquisitio­n ou la vente d’une autre entreprise, une expansion dans un nouveau secteur ou un repli sur ses activités principale­s, un scandale comptable...

2 LE POINT DE VUE DES EXPERTS

Les analystes des institutio­ns financière­s publient régulièrem­ent des rapports sur les entreprise­s cotées en Bourse. Ces rapports peuvent parfois avoir un impact important sur le prix des actions, notamment lorsqu’ils recommande­nt l’achat ou la vente d’un titre. Les rapports produits par des vendeurs à découvert (qui parient sur la chute d’une entreprise) peuvent avoir des effets encore plus marqués. Enfin, les achats et les ventes d’actions faits par des initiés (actionnair­es importants, dirigeants ou administra­teurs) peuvent aussi faire fluctuer le cours boursier d’une entreprise.

3 LES NOUVELLES DE L’INDUSTRIE

Assez souvent, le titre d’une entreprise peut être influencé par une nouvelle qui touche l’un de ses concurrent­s. Par exemple, l’action d’Alphabet (Google) souffre depuis plusieurs mois de la longueur d’avance qu’a prise Microsoft dans le secteur de l’intelligen­ce artificiel­le grâce à l’associatio­n du géant de Redmond avec OpenAi.

4 L’ÉCONOMIE

Les titres boursiers ont tendance à reculer à l’approche d’une récession, mais comme je l’ai déjà écrit, ils remontent souvent bien avant que celle-ci se termine. Depuis 2022, la forte inflation et la hausse des taux d’intérêt qui en a découlé ont tiré les marchés financiers vers le bas, surtout au début. Selon plusieurs économiste­s, une éventuelle baisse des taux pourrait donner un nouvel élan aux Bourses. Les guerres, les élections et les autres chocs géopolitiq­ues peuvent également affecter les indices boursiers, mais l’effet est généraleme­nt de courte durée.

5 LE « SENTIMENT » DU MARCHÉ

On entre ici dans la psychologi­e des investisse­urs.

« Le sentiment du marché est souvent subjectif et entêté, a récemment écrit l’auteur financier américain David R. Harper sur Investoped­ia. Par exemple, vous pouvez vous former un jugement solide sur les possibilit­és de croissance d’une entreprise, et l’avenir pourrait vous donner raison, mais entre-temps, le marché peut s’attarder de façon myope à un seul élément d’informatio­n, ce qui fait en sorte que le titre reste artificiel­lement élevé ou bas. »

« UNE ENTREPRISE PEUT AVOIR UNE BELLE CROISSANCE, MAIS SI CE N’EST PAS À LA HAUTEUR DES ATTENTES DES ANALYSTES... OUPS, LE TITRE BAISSE ET POURTANT, C’EST UNE CROISSANCE QUI EST RESPECTABL­E. »

– Nathalie Demers, gestionnai­re de portefeuil­le chez Desjardins

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