Dans le rouge et pour longtemps
Avec un déficit record de 11 milliards $, Québec repousse l’équilibre budgétaire à 2030
«LEPLANDERETOURÀ L’ÉQUILIBRE NÉCESSITERA DES GESTES RÉELS, MAIS C’EST GÉRABLE. »
– Eric Girard, ministre des Finances
Aux prises avec un déficit record de 11 milliards $, le gouvernement Legault repousse le retour à l’équilibre budgétaire à 2030. Pour sortir la tête de l’eau, Québec coupe dans l’aide aux entreprises, serre la ceinture des sociétés d’État et taxe les fumeurs. Mais le pire est à venir.
Écrit à l’encre rouge foncé, le sixième budget d’Eric Girard sème les graines de l’austérité, mais le ministre s’en défend.
Le déficit est presque quatre fois plus élevé que prévu. Même au plus fort de la pandémie, le déficit (10,7 G$) n’avait pas atteint ce niveau.
La santé des finances publiques est plombée par la stagnation de l’économie, les catastrophes naturelles et l’entente avec les profs, qui coûte plus de 3 G$ de plus par an.
Le ministre Girard met aussi une grande part de l’odieux sur la COVID-19 et la récession qui a suivi.
Il espère que les gens ne le jugeront pas trop sévèrement et se souviendront qu’il a hérité d’une situation exceptionnelle.
« La pandémie nous a laissé des impacts permanents dans le réseau de la santé, s’est défendu le grand argentier du gouvernement. Désormais, on va toujours garder des stocks de masques, on va toujours garder des cliniques de vaccination. »
Ancien banquier, Eric Girard a tenu à se faire rassurant. Le déficit est « gérable », a-t-il assuré.
Il mise gros sur une embellie dans la seconde moitié de l’année. Mais les choix difficiles sont reportés à l’an prochain.
C’est à ce moment que les Québécois connaîtront l’ampleur des mesures de rigueur qui permettront de revenir au déficit zéro.
RÉVISION DES TAXES
Québec promet d’entreprendre une révision de l’ensemble de ses dépenses. Même le régime d’imposition des particuliers et celui des taxes à la consommation seront passés au peigne fin.
Le ministre Girard jure toutefois qu’il n’est pas question pour son gouvernement de hausser les impôts des citoyens ou d’augmenter la TVQ pour combler le déficit. Pour le reste, tout est sur la table.
Une cure minceur s’amorce aussi dans les ministères, mais pas question de couper des fonctionnaires, a prévenu la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel.
Si la CAQ ne compte annoncer son plan précis de retour à l’équilibre budgétaire que l’an prochain, plusieurs ministères goûteront dès cette année au régime sec.
C’est le cas au Tourisme, qui voit ses dépenses de programmes diminuer de plus de 7 %, alors que le ministère de l’Environnement devra les réduire de 1,4 %.
SOCIÉTÉS D’ÉTAT AU RÉGIME
D’ici là, Québec sonne le glas des crédits d’impôt aux entreprises qui employaient des retraités, une mesure pourtant mise en place par la CAQ il n’y a pas si longtemps pour contrer la pénurie de main-d’oeuvre.
« Elle n’est pas très performante, très peu réclamée par les entreprises », a laissé tomber le ministre, au huis clos du budget.
Les principales sociétés d’État comme Hydro-Québec ou Loto-Québec devront se serrer la ceinture pour trouver un milliard $ sur cinq ans.
Mieux vaut vous dépêcher si vous souhaitiez vous procurer une voiture électrique à bon prix.
La subvention accordée à l’achat d’une auto verte diminuera drastiquement de près de moitié le 1er janvier prochain, avant de disparaître complètement en 2027.
Le gouvernement ira chercher de l’argent chez les propriétaires de minounes. Il ne sera plus possible de vendre son vieux bazou âgé de dix ans pour 1 $.
Il faudra dorénavant payer la taxe de vente sur toutes les voitures de moins de 15 ans.
FUMER COÛTERA PLUS CHER
Les fumeurs écoperont aussi. Dès demain, griller une clope coûtera plus cher, alors que le prix de la cartouche augmentera de 2 $. Les amateurs de cigarettes devront encaisser une seconde hausse en janvier prochain.
Malgré le contexte difficile, le ministre Girard promet de remettre les finances publiques du Québec dans un bon état à son successeur.
Il prédit déjà que ce sera une femme…
L’état des bâtiments se dégrade rapidement dans le réseau de l’éducation : 65 % des cégeps sont dorénavant en mauvais état, alors que la situation s’améliore dans les écoles primaires et secondaires.
Selon les plus récentes données gouvernementales, 53 % des cégeps sont en mauvais état, alors que 12 % d’entre eux sont en très mauvais état.
La proportion des cégeps qui obtiennent une cote de « D » ou « E » a par ailleurs considérablement augmenté en un an seulement, car elle était de 54 % l’an dernier.
Avec un si mauvais score, les cégeps figurent parmi les infrastructures publiques québécoises les plus mal en point, devancés seulement par les installations du Parc olympique de Montréal dans ce palmarès peu enviable.
Pour remédier à la situation, Québec prévoit une bonification de 205 millions $ des sommes consacrées aux rénovations en enseignement supérieur, pour un total de 6,5 milliards $ d’ici dix ans.
Pour leur part, les universités s’en tirent mieux, 43 % de leurs bâtiments étant en mauvais état.
Par ailleurs, 776 M$ supplémentaires seront consacrés à des projets d’ajouts d’espace dans les cégeps et les universités d’ici dix ans, étant donné qu’une hausse importante d’étudiants est anticipée.
Québec allongera aussi près de 200 M$ pour des projets de logements étudiants, alors que les cégeps et les universités réclamaient des investissements de plus d’un milliard $ d’ici dix ans.
L’ÉTAT DES ÉCOLES S’AMÉLIORE
Dans le réseau scolaire, les réinvestissements des dernières années dans les rénovations d’écoles commencent à donner des résultats. Pour la première fois depuis longtemps, la proportion d’établissements en mauvais état commence à diminuer, étant passée de 61 % à56%enunan.
De manière plus générale, l’augmentation des dépenses reliées à l’éducation prévue pour 2024-2025 est de 7,6 %, selon le budget de dépenses de programmes, une hausse qualifiée « d’exceptionnelle » par le ministre des Finances, Eric Girard.
Cette hausse permettra de financer les mesures convenues dans les nouvelles conventions collectives, selon Québec, comme les augmentations salariales, les aides à la classe dans 14 000 classes et la création de 5000 postes d’enseignants permanents à temps plein.
De leur côté, la Fédération des centres de services scolaires et la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) avaient chiffré à au moins 7 % la hausse nécessaire pour couvrir l’ensemble des « coûts de système » en éducation.
510 M$ EN SALAIRES NON VERSÉS
La croissance des dépenses en éducation pourrait toutefois chuter considérablement en 2025-2026 parce que Québec prévoit une hausse de seulement 1 %.
Les documents budgétaires permettent par ailleurs d’apprendre que la grève de la fin 2023 dans le réseau de l’éducation a fait économiser au gouvernement 510 millions $ en salaires non versés au personnel scolaire.