Un rapport commandé par le ministre ne concluait pas à une erreur judiciaire
Un rapport commandé par le ministre de la Justice lors de sa demande de révision ministérielle, dans le dossier de Jacques Delisle, ne concluait pas à une erreur judiciaire, a constaté notre Bureau d’enquête.
C’est notamment sur ce rapport, qui était jusqu’ici frappé d’une ordonnance de non-publication, que le ministre de la Justice de l’époque, David Lametti, s’est basé en 2021 pour ordonner que l’ex-juge subisse un nouveau procès.
La demande de révision ministérielle avait été déposée par Jacques Delisle en 2015.
L’ex-juge, qui purgeait depuis 2012 une peine d’emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans pour le meurtre de son épouse, avait alors épuisé tous ses moyens d’appel.
Se disant victime d’une erreur judiciaire, il s’était adressé au ministre de la Justice dans l’espoir de faire casser le verdict.
NOUVELLES PREUVES SCIENTIFIQUES
Pour soutenir sa demande, la défense affirmait avoir de nouvelles preuves scientifiques. Jacques Delisle, qui n’avait pas dit mot de son procès, avait, pour la toute première fois, livré sa version des faits, en révélant avoir fourni une arme chargée à son épouse dépressive.
Il reconnaissait du même souffle avoir menti aux policiers, à ses proches et même à son avocat sur les réelles circonstances du décès de sa femme, dont il avait toujours affirmé le suicide.
Dans son rapport transmis aux parties en novembre 2017, le Groupe de la révision des condamnations criminelles, à Ottawa, ne mentionne à aucun endroit que Jacques Delisle est victime d’une erreur judiciaire.
Au contraire, le Groupe se montre dur envers la stratégie de Jacques Delisle, qui a fait le choix de ne pas témoigner lors de son premier procès. Le rapport rappelle que le condamné a menti, que sa crédibilité est mise à mal et qu’il aurait pu livrer sa version des faits bien avant d’en venir à une demande de révision judiciaire. Son témoignage était disponible au moment du procès. Et il ne s’est pas présenté à la barre pour des raisons stratégiques, peut-on lire.
PAS D’ÉLÉMENTS NOUVEAUX
Au surplus, le rapport stipule que les expertises supplémentaires déposées par Jacques Delisle ne constituaient pas, en soi, des éléments nouveaux. Ces derniers étaient déjà existants et disponibles au moment du procès, rapporte-t-il.
Jugeant ce rapport défavorable pour son client, l’avocat de Jacques Delisle de l’époque, Me James Lockyer, avait soumis dans les années suivantes de nouvelles expertises scientifiques à Ottawa, en plus d’un long mémoire de quelque 160 pages.
Le ministre Lametti a finalement ordonné un nouveau procès, en avril 2021, affirmant qu’il était convaincu de la possibilité qu’une erreur judiciaire ait été commise.
Malgré des demandes répétées de la Couronne à cet effet, David Lametti n’a jamais justifié davantage sa décision. Il n’a pas non plus souhaité le faire lorsque joint par notre équipe, mercredi.