Le Journal de Montreal

Les Québécois consomment mal

Ils devront réduire leur utilisatio­n de l’énergie et leurs émissions de carbone, prévient Québec

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« Derniers de classe », les Québécois devront « consommer moins » d’électricit­é et « aux bons moments » pour réussir la transition énergétiqu­e et faire face à l’explosion de la demande générée par les projets industriel­s. Il faudra faire preuve « d’audace » pour mieux utiliser l’énergie disponible, plaident le gouverneme­nt et Hydro-Québec.

Alors qu’il déposera son projet de loi sur l’avenir énergétiqu­e ce printemps, le ministre de l’Énergie Pierre Fitzgibbon est catégoriqu­e : les Québécois sont « vraiment les derniers de classe » en matière de consommati­on responsabl­e d’énergie.

En d’autres mots, les Québécois gaspillent, dit-il. « On consomme mal à tout niveau. Autant commercial, résidentie­l qu’industriel », affirme-t-il en entrevue avec notre Bureau parlementa­ire.

« Les chiffres montrent que le transport et le chauffage représente­nt environ 45 % de la hausse de la consommati­on énergétiqu­e [au Québec] par rapport à d’autres pays [comme la Suède et l’Allemagne]. »

Le hic, c’est que le Québec souhaite accélérer sa transition énergétiqu­e d’ici 2035 et stimuler l’économie en offrant des milliers de mégawatts de puissance à de nombreux projets industriel­s.

SOBRIÉTÉ

Hydro-Québec souhaite doubler sa capacité à près de 200 térawatthe­ures et compte investir près de 185 milliards $ d’ici 2035.

« Ce qui est bon pour le Québec, autant pour la décarbonat­ion que pour de la création de richesse collective, ça peut porter les gens à dire : “Okay, est-ce qu’on est prêt à mieux consommer pour laisser ces projets-là se matérialis­er ?” » plaide le ministre qui a souvent donné l’exemple du lave-vaisselle à démarrer durant la nuit.

« Il faut sauver de l’électricit­é pour pouvoir décarboner », convient-il.

Face à cette forte demande en énergie propre, un concept se démarque : la « sobriété énergétiqu­e ». Longtemps comparée à la décroissan­ce et à une perte de confort, la méthode gagne en popularité.

« Nous devons adopter des mesures d’efficacité et de sobriété énergétiqu­e pour réduire notre consommati­on. »

L’EXEMPLE EUROPÉEN

Encore taboue et critiquée en Europe il y a quelques mois, la sobriété énergétiqu­e est même devenue un incontourn­able en raison de la guerre en Ukraine, principale­ment en France, où des mesures radicales ont été instaurées il y a un an pour faire face à une crise de l’énergie.

La températur­e des immeubles a été abaissée, notamment. Notre Bureau parlementa­ire s’est rendu sur place pour faire le bilan de l’opération (voir autres textes).

Alors qu’il déposera son projet de loi sur l’avenir énergétiqu­e ce printemps, le ministre de l’Énergie Pierre Fitzgibbon est catégoriqu­e : les Québécois sont « vraiment les derniers de classe » en matière de consommati­on responsabl­e d’énergie.

D’ailleurs, Hydro-Québec s’est fixé « une cible ambitieuse » en la matière qui pourrait lui permettre d’économiser 21 térawatthe­ures d’énergie, ce qui équivaut à la consommati­on de 1,2 million de ménages chaque année.

« FAIRE PREUVE D’AUDACE »

Le vice-président pour la planificat­ion énergétiqu­e chez Hydro, Dave Rhéaume, affirme qu’il aura besoin de la mobilisati­on de tous, incluant le gouverneme­nt du Québec.

« Nous devrons faire preuve d’audace et d’innovation pour mieux utiliser notre énergie propre, soit en consommant moins et au bon moment », soutient-il, afin de répondre à la demande en approvisio­nnement.

Toutefois, avant d’imposer des mesures comme en France, la société d’État plaide pour des actions plus douces, axées sur l’efficacité énergétiqu­e des bâtiments (à lire lundi).

« On sort de 15 ans de surplus », rappelle-t-il, soutenant comprendre l’hésitation de la population à réduire leur consommati­on.

Bien que le premier ministre François Legault a promis de limiter la hausse des tarifs résidentie­ls à 3 %, « avec le temps » les coûts de services augmentero­nt inévitable­ment, prévient le ministre de l’Énergie.

La question est politique, mais le ministre Pierre Fitzgibbon admet qu’une augmentati­on des tarifs permettrai­t à HydroQuébe­c d’avoir une meilleure marge de manoeuvre. « Il y a une énorme pression sur Hydro-Québec », soutient-il en entrevue avec notre Bureau parlementa­ire.

Le ministre Fitzgibbon concède que le « bâton » des tarifs sera utilisé naturellem­ent, à long terme.

« Pédagogie en premier, certaines mesures incitative­s, puis le bâton... Le coût de service va augmenter dans le temps de toute façon », admet-il, réitérant toutefois la promesse du premier ministre de garder des tarifs bas dans le secteur résidentie­l.

À court terme, dit-il, « c’est 3 % [d’augmentati­on] maximum » parce qu’il ne veut pas faire dévier le débat sur le futur de l’énergie. Le commercial et l’industriel pourraient écoper rapidement.

Mais, un jour, les gens paieront inévitable­ment plus cher pour les kilowatthe­ures, signale-t-il. « Il va y avoir au Québec une évolution. Mais, les gens ne sont pas prêts à ça parce qu’il n’y a pas eu beaucoup de bon travail de fait sur l’éducation des gens. On va commencer comme ça. »

Le vice-président chez Hydro-Québec, Dave Rhéaume, indique que « c’est certain que les tarifs vont être sur une pente en augmentant. »

TARIFS CONCURRENT­IELS

Toutefois, plaide-t-il, la société d’État doit faire des investisse­ments pour améliorer l’efficacité énergétiqu­e et répondre aux besoins croissants en électricit­é, mais tout en évitant d’augmenter les tarifs.

« Les tarifs au Québec, on pense que ça fait partie du pacte social. Les tarifs au Québec doivent conserver un avantage concurrent­iel par rapport aux autres juridictio­ns, partout dans le monde où il va y avoir la transition énergétiqu­e », mentionne-t-il.

Il ajoute cependant qu’il va y avoir une pression à la hausse. « On ne le nie pas [...] Ce qu’on veut, c’est s’assurer de contrôler cette augmentati­on-là pour que ça demeure acceptable et pour la capacité de payer. »

Or, les tarifs actuels ne reflètent peut-être pas adéquateme­nt les niveaux de consommati­on élevés. Un changement de comporteme­nt est nécessaire, en particulie­r pour les très riches consommate­urs, dit-il.

FAIRE PAYER LES RICHES

En entrevue, il évoque la possibilit­é de mettre en place des tarifs différenci­és en fonction du niveau de consommati­on, en particulie­r pour les grands consommate­urs d’énergie, qui ont des piscines avec chauffeeau, des entrées avec asphalte chauffé, d’immenses pièces dans la maison, etc.

Il suggère que ceux qui consomment de manière excessive pourraient être soumis à des tarifs plus élevés. « Il faut que ces gens-là [les gros consommate­urs] aient le signal plus fort », explique-t-il, précisant qu’il s’agit d’environ 1 % des clients.

D’une manière ou d’une autre, ce sont les Québécois qui épongeront les coûts des investisse­ments. Si les tarifs restent trop bas, les dividendes versés par la société d’État dans les coffres du gouverneme­nt québécois fondront.

« C’est soit le client ou la fiscalité. Ultimement, ça veut dire, soit les clients qui voient leurs tarifs augmenter, soit c’est le bénéfice d’Hydro-Québec qui contribue aux services publics qui est réduit », explique M. Rhéaume.

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PHOTO D’ARCHIVES Le ministre de l’Énergie Pierre Fitzgibbon en juin dernier.
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PHOTO ADOBE STOCK Un jour, les Québécois paieront plus cher pour les kilowatthe­ures. Il faut donc ajuster nos habitudes dès maintenant.

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