La troisième voie
Il y a 30 ans, je participais à la fondation de l’Action démocratique du Québec. L’anniversaire coïncide avec la sortie d’un bouquin historique et politique qui relate l’émergence d’une troisième voie à partir de l’échec de Meech.
L’un des auteurs a été un compagnon d’armes depuis notre rencontre (nous avions 17 ans) chez les jeunes libéraux. Le politologue Éric Montigny fut donc un témoin privilégié des événements.
Si je me replonge dans l’époque, l’expression « troisième voie » émergeait naturellement de tous les observateurs en imaginant la création d’un nouveau parti politique. L’expression n’a plus de sens aujourd’hui alors que nous avons cinq partis à Québec et autant à Ottawa.
Mais en 1994, la politique québécoise était en mode binaire, le système reposant sur deux joueurs. Péquistes contre libéraux. Souverainistes contre fédéralistes. Les oui contre les non. Les bleus contre les rouges. L’idée de troisième voie consistait à sortir de cette polarisation qui devenait stérile.
Le système politique était en train de devenir paresseux. La belle alternance plaisait à tous. Deux mandats au pouvoir, deux mandats dans l’opposition. Dans l’opposition, inutile de développer un programme politique trop novateur. Après deux mandats, le peuple va être tanné du gouvernement, le pouvoir nous reviendra.
Ils avaient même transformé la Loi électorale et le règlement de l’Assemblée nationale pour servir un duopole. L’argent et les privilèges distribués entre deux partis. L’ADQ a dû faire casser la Loi électorale par les tribunaux pour rétablir une équité.
LA POLITIQUE AUTONOMISTE
Troisième ou pas, du point de vue de l’affirmation nationale du Québec, la voie autonomiste a changé la donne.
Le Parti libéral s’était aplati en abandonnant ses positions nationalistes. Ses revendications seraient désormais minimales.
Le PQ était passablement enfermé dans son idée de tenir des référendums à répétition et encore plus enfermé dans son modèle syndicalo-étatique plus ruineux qu’efficace. Les péquistes allaient toujours dire que toute politique autonomiste était vouée à l’échec.
Or après deux référendums perdus, le message des Québécois m’apparaissait clair : ils voulaient plus d’autonomie pour le Québec, mais à l’intérieur du Canada. Difficile ? Certainement. Mais nécessaire.
Le devoir d’un nationaliste à ce moment-là était de consacrer ses énergies à faire progresser nos pouvoirs, notre langue et notre culture avec tous les outils à disposition. En votant non à la souveraineté, librement, les Québécois ne renonçaient pas à leurs aspirations ni à leur fierté. Ils ne renonçaient surtout pas à la pérennité de leur identité.
Après deux référendums perdus, la politique autonomiste devenait la voie logique d’affirmation
JAMAIS AU POUVOIR
L’ADQ a gagné des batailles et des sièges, mais n’aura jamais atteint le pouvoir. Après que les électeurs m’eurent montré la porte en 2008, les députés restants ont rejoint le mouvement de François Legault, qui avait le vent dans les voiles.
Je demeure convaincu que l’avènement de l’ADQ a transformé, sur quinze ans, la scène politique.
Convaincu que l’ADQ a changé notre conscience collective sur les finances de l’État, sur l’équité entre générations et sur notre identité.
Et par-dessus tout convaincu que... trente ans, ça passe vite !