Le camionneur responsable du carambolage fait appel
Il ne voulait pas qu’on sache que la SAAQ l’avait déclaré inapte à conduire un camion
Le camionneur responsable du carambolage monstre qui a tué quatre automobilistes sur l’autoroute 440 à Laval en 2019 ne digère pas le verdict de culpabilité rendu contre lui le mois dernier et se tourne vers la Cour d’appel.
Le 5 août 2019, Jagmeet Grewal, au volant d’un semi-remorque, a percuté de plein fouet une file de véhicules immobilisés devant lui, pourtant visibles de plusieurs mètres à l’avance. Au procès, on a appris qu’il n’avait jamais freiné, ni avant ni après l’impact.
Gilles Marsolais, 54 ans, Michèle Bernier, 48 ans, Sylvain Pouliot, 55 ans, et Robert Tanguay Laplante, 26 ans, ont péri dans cette tragédie routière. D’autres avaient été gravement blessés, alors que les voies se transformaient en une scène de chaos parsemée de véhicules en flamme.
Or, au moment du drame, il lui était interdit, à vie, de conduire un camion lourd, à la suite d’une décision de la Société de l’assurance automobile du Québec.
« Ce jour-là, il savait qu’il ne pouvait pas conduire et en le faisant, il a mis la sécurité des autres à haut risque », avait tranché la juge Yanick Laramée, en le reconnaissant coupable de huit chefs de négligence criminelle causant la mort et des blessures.
L’accusé de 57 ans s’est adressé plus tôt cette semaine à la Cour d’appel et exige un nouveau procès ou carrément d’être acquitté.
Un autre rebondissement dans ce long processus judiciaire, qui a choqué une de ses victimes, Patricia Laplante, qui a été gravement blessée dans le carambolage.
« C’est fâchant ! Ça va faire cinq ans bientôt, et ça n’arrête pas. Ça n’a pas de bon sens », a-t-elle souligné.
Selon Grewal, une grave erreur de droit a été commise lorsque son dossier personnel à la SAAQ a été admis en preuve pour son procès.
Grewal s’était d’ailleurs démené, en vain, pour exclure cet élément majeur de la preuve de la Couronne.
Ce qu’il contestait, c’était plus précisément le dépôt de son dossier d’indemnisation de la SAAQ, dans lequel on apprenait qu’il avait été jugé inapte à conduire un camion, de façon permanente, en raison de séquelles à la suite d’une grave collision de la route aux États-Unis, en 2012.
Il souffrait depuis de graves problèmes psychiatriques et devait prendre plusieurs médicaments nuisant à la conduite.
Il avait malgré tout fait une autre demande pour obtenir un nouveau permis pour conduire des camions et il l’avait obtenu... par erreur.
Les différents départements de la SAAQ ne se parlaient pas, en effet. Ainsi, on lui avait octroyé un permis de classe 1, nécessaire pour conduire un camion, même s’il était indemnisé en raison de son inaptitude à se retrouver derrière un volant.
UN CAMION, C’EST UNE ARME
« Son comportement illustre qu’il n’avait absolument aucune considération pour la sécurité des autres et qu’il était prêt à tout pour travailler comme camionneur professionnel, malgré qu’il était psychologiquement et physiquement incapable de le faire », avait déploré la juge Laramée, dans sa décision.
« On doit garder en tête qu’il ne conduisait pas un véhicule normal, mais qu’il était plutôt derrière le volant d’un camion lourd potentiellement dangereux, qui est considéré comme une arme », avait-elle ajouté.
Dans son avis d’appel, l’accusé s’est dit en désaccord avec la juge, qui a conclu que sa conduite démontrait un « mépris déréglé et téméraire à l’égard de la vie et la sécurité d’autrui ».
La Cour d’appel devra trancher à savoir si elle examinera le dossier.
D’ici là, Jagmeet Grewal sera de retour au palais de justice de Laval pour les observations sur la peine dans les prochains mois.