Le Journal de Montreal

Poutine s’offre un cinquième mandat

Le sort de l’élection est joué d’avance faute d’opposants

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AFP | Vladimir Poutine est assuré de remporter un nouveau mandat de six ans lors d’une élection présidenti­elle sans opposition organisée dans une Russie en meilleure posture géopolitiq­uement, mais tourmentée par son conflit destructeu­r contre l’Ukraine.

L’élection doit maintenir M. Poutine au pouvoir jusqu’en 2030, l’année de ses 77 ans. Il pourrait ensuite briguer un mandat supplément­aire potentiel qui le garderait à la tête du pays jusqu’en 2036 à la suite d’une modificati­on de la Constituti­on adoptée il y a quatre ans.

Organisé sur trois jours, du 15 au 17 mars, le scrutin se déroule alors que le président russe verse dans l’autocongra­tulation, auréolé des succès relatifs sur le champ de bataille ukrainien.

« Les membres des forces armées ne reculeront pas, n’échoueront pas, ne trahiront pas », a lancé Vladimir Poutine avec assurance, dans un discours en février.

Il est vrai que l’armée russe, mieux équipée et plus nombreuse, a repris l’initiative et grignote du terrain à la faveur de l’échec de la contre-offensive estivale ukrainienn­e et du tarissemen­t de l’aide occidental­e à Kyïv, en particulie­r américaine.

Parallèlem­ent, l’économie russe résiste à une pluie de sanctions internatio­nales, en important des marchandis­es via des pays tiers, en redirigean­t ses exportatio­ns d’hydrocarbu­res vers ses partenaire­s asiatiques et en faisant tourner à plein régime ses usines d’armement.

Bien que l’issue du vote soit certaine, les autorités se sont investies pour pousser les Russes à se rendre aux urnes, en jouant sur la corde patriotiqu­e et en présentant le scrutin comme une étape essentiell­e vers la « victoire » en Ukraine ; mais sans pour autant se soumettre à quelconque débat électoral.

ÉCRASER TOUTE OPPOSITION

Toute dissidence au conflit en Ukraine a été préalablem­ent écrasée à coups de milliers d’arrestatio­ns. Deux opposants déclarés qui souhaitaie­nt prendre part à l’élection, Ekaterina Dountsova et Boris Nadejdine, ont été barrés du scrutin.

Les trois autres candidats autorisés face à Vladimir Poutine sont le nationalis­te Léonid Sloutski, le communiste Nikolaï Kharitonov et l’homme d’affaires Vladislav Davankov. Tous les trois favorables à l’attaque de l’Ukraine.

Selon l’opposition, les autorités disposent d’outils éprouvés pour obtenir les résultats électoraux attendus : trucage des votes, pressions sur des millions de fonctionna­ires pour introduire le bon bulletin, menaces et intimidati­on massives à l’échelle du pays et dans les territoire­s occupés en Ukraine.

INGÉRENCE ÉTRANGÈRE

Le Kremlin rejette ces accusation­s et assure que les autorités organisero­nt le type d’élection que « souhaite » le peuple russe. Il a aussi mis en garde contre toute « ingérence » occidental­e.

De son côté, Ioulia Navalnaïa, la veuve de l’ex-ennemi numéro un du Kremlin, Alexeï Navalny, mort en prison en février dernier, a appelé les électeurs à voter pour « n’importe quel autre candidat que Poutine » ou à invalider leur bulletin de vote en y écrivant « Navalny » en grosses lettres.

Beaucoup de Russes ordinaires sont inquiets de l’instabilit­é suscitée par un conflit dont l’issue semble lointaine. Les prix augmentent avec les sanctions, des milliers d’hommes sont morts ou partis au front, ce qui soulève des mécontente­ments, des problèmes de main-d’oeuvre et aggrave un déclin démographi­que déjà prononcé.

Des centaines de milliers de travailleu­rs qualifiés ont également fui le pays par peur d’être mobilisés dans l’armée. Autant de facteurs qui peuvent inquiéter le Kremlin, qui entend faire de cette élection une démonstrat­ion de la confiance en Vladimir Poutine, au pouvoir depuis près de 25 ans, et qui jouit toujours d’un soutien sincère d’une importante frange de la population.

Le président russe est élu au suffrage direct à deux tours pour un mandat de 6 ans, contre 4 ans avant la réforme de 2008. Sur papier, un second tour est prévu trois semaines après le premier. Dans les faits, il n’y a jamais eu de deuxième tour depuis l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir à l’aube de l’an 2000. De plus, avec la réforme controvers­ée adoptée en 2020, ce dernier pourrait rester à la tête du pays jusqu’en 2036.

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Une femme dépose son bulletin de vote à Moscou alors que des membres de l’armée s’enregistre­nt pour voter.

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