Le Journal de Montreal

Quand Joe Biden se fait servir une leçon de paix

«AUCUN ENFANT N’A JAMAIS DONNÉ SON CONSENTEME­NT À DES ACTES TERRORISTE­S. AUCUN ENFANT NE DEVRAIT

- Richard.latendress­e @quebecorme­dia.com

Le premier ministre irlandais – le Taoiseach, comme on l’appelle là-bas – s’est pointé à la Maison-Blanche hier pour la traditionn­elle visite de la Saint-Patrick. Ce n’est surtout pas une puissance, l’Irlande. Son leader n’a pourtant pas manqué de servir une leçon de savoir-vivre au président des États-Unis.

Au fil des ans, des rencontres entre le président américain et le Taoiseach, j’en ai couvert plusieurs. Il en sort rarement quoi que ce soit d’intéressan­t. Les Irlandais, tout le monde les aime et, aux États-Unis, avec plus de trente millions d’Américains puisant leurs racines dans l’île, davantage.

Cette année toutefois, la visite du Taoiseach s’est révélée plus tendue. Déjà que, selon nos collègues irlandais de BreakingNe­ws.ie, plus de 4000 personnes avaient contacté son bureau, l’exhortant à ne pas se rendre aux États-Unis cette année.

C’est que les Irlandais, dans le dernier conflit au Proche-Orient, ont pris un parti de plus en plus bruyant en faveur des Palestinie­ns. Si l’attaque sauvage du Hamas le 7 octobre continue d’être dénoncée, les représaill­es israélienn­es, perçues comme indiscrimi­nées et démesuréme­nt dévastatri­ces et meurtrière­s, ont plusieurs fois jeté les manifestan­ts dans les rues du pays.

SANS DÉTOUR

Leo Varadkar, le Taoiseach, a finalement fait le voyage : il y a une limite à snober une invitation à célébrer la Saint-Patrick avec un président qui répète à qui veut l’entendre la fierté de ses racines irlandaise­s.

Il n’avait cependant pas l’intention de laisser ses opinions et celles de ses compatriot­es dans le hall d’entrée de la West Wing. Déjà, au cours de la semaine, il avait préparé le terrain. Arrivé lundi à Boston, il s’est assuré que son discours à la bibliothèq­ue présidenti­elle John F. Kennedy ne passe pas inaperçu.

Appelant à un cessez-le-feu immédiat en Palestine – rarement les Américains décrivent aussi clairement les fameux « territoire­s palestinie­ns » –, Varadkar a averti : « Les cris des innocents nous hanteront à jamais si nous gardons le silence. » Et c’est en s’appuyant sur la sanglante histoire irlandaise qu’il a décrit ce que le prolongeme­nt du conflit dans la bande de Gaza risque de produire : « Ces cris engendrero­nt davantage de représaill­es, qui elles-mêmes engendrero­nt davantage de violence et de vengeance. »

UNE DOUTEUSE LÉGITIME DÉFENSE

À la sortie du Bureau ovale, le premier ministre irlandais est venu s’adresser à nous, les correspond­ants, pendant quelques minutes. Il a débuté avec un aveu d’échec : « Le président est très clair sur le fait que les ÉtatsUnis continuero­nt à soutenir Israël et à l’aider à se défendre. Donc, je ne pense pas que cela va changer. »

Mais admettre de ne pas être parvenu à convaincre son interlocut­eur et abandonner ses conviction­s sont deux choses bien différente­s. Leo Varadkar a aussitôt enchaîné : « Je pense qu’aucun d’entre nous n’aime voir les armes américaine­s être utilisées de la manière dont elles le sont. Ce n’est pas de la légitime défense. »

Inconcevab­le, de toute évidence, pour le Taoiseach, de dénoncer la mort d’innocents et de continuer, du même élan, à fournir les armes qui perpétuent l’hécatombe. Joe Biden ne veut pas l’admettre ; ce n’est pourtant, à entendre Leo Varadkar, qu’une question de bienséance morale.

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