Chaque année, vous donnerez 13,39 $ pour Northvolt… à perpétuité
Il en coûtera en moyenne au minimum 13,39 $ à chaque ménage québécois (riche ou pauvre), chaque année, pour subventionner l’électricité que consommera Northvolt tous les ans. À perpétuité. Si on prend en compte les coûts associés à la puissance, ce sera beaucoup plus. Cette subvention récurrente s’ajoute aux subventions gouvernementales qui pourraient dépasser 7 milliards de dollars.
À elle seule, Northvolt occasionnera un effet à la hausse de 0,96 % sur la facture de la clientèle d’Hydro-Québec selon les données provisoires de la société d’État recueillies et colligées par l’analyste indépendant en énergie Jean-François Blain.
En effet, l’usine de batteries devra s’alimenter à partir d’énergie post-patrimoniale. En présumant un coût d’approvisionnement à 10 cents le kilowattheure (kWh) et un prix de vente à 5 cents le kWh au tarif L pour la grande industrie, il en résulte un déficit de 5 cents par kWh qui devra être épongé par l’ensemble de la clientèle, incluant les clients à faibles revenus. Considérant une consommation annuelle de près de 3 milliards de kWh à elle seule, Northvolt nous coûtera donc très cher. Les 127 premiers millions de dollars de profits annuels de Northvolt proviendront donc de la clientèle d’Hydro-Québec. C’est le genre d’information qui serait publique s’il y avait une évaluation environnementale indépendante et des audiences publiques par le BAPE.
QUI DOIT PAYER ?
La question se pose. Pour le ministre Fitzgibbon, l’usine de batteries Northvolt est un projet phare pour la transition énergétique et pour le développement économique. Pour lui, investir dans Northvolt et la filière batterie équivaut à créer de la richesse collective et à assurer la décarbonation de l’économie.
Pourtant, rien n’est moins sûr. Nous n’avons aucune idée de la mesure dans laquelle cette usine de batteries réduira la consommation de pétrole au Québec. De même, nous ne savons toujours pas comment les retombées économiques hypothétiques futures de cette industrie compenseront les subventions initiales du gouvernement et les subventions tarifaires perpétuelles que nous lui accorderons collectivement. Pour l’instant, en l’absence d’études, la seule chose que l’on puisse conclure, c’est que ce sont, principalement, les ménages qui financent et créent la richesse pour l’industrie.
Décarboner l’économie et promouvoir le développement économique, ce n’est pas la responsabilité des clients d’Hydro-Québec. La transition énergétique doit être financée par l’ensemble de la société et par les grands pollueurs.
CHOIX ÉNERGÉTIQUES DÉTERMINANTS
Le premier ministre demande aux Québécois de « changer d’attitude » envers des projets comme Northvolt. Alors qu’un ménage québécois sur sept peine déjà à payer ses factures, financer des projets politiques à partir des factures d’électricité est sans contredit régressif. Il serait plus judicieux d’effectuer une planification intégrée des ressources énergétiques, de manière à s’assurer que la consommation de l’industrie ne se répercute pas sur la facture des consommateurs résidentiels d’électricité.
L’utilisation des tarifs d’électricité pour financer la transition fait porter une proportion injuste des coûts de la transition sur les ménages les plus pauvres.
Les choix que nous allons faire dans le domaine de l’énergie seront déterminants pour notre avenir commun. C’est pourquoi nous devons déterminer ensemble ce qu’il convient de faire de nos ressources énergétiques. La justice sociale et climatique doit être au coeur de la lutte contre les changements climatiques. Le moment est maintenant venu de mettre l’économie au service de l’amélioration des conditions de vie de tous et toutes.
Émilie Laurin-Dansereau, conseillère budgétaire à l’Association coopérative d’économie familiale (ACEF) du Nord de Montréal
Jean-Pierre Finet, analyste et porte-parole, Regroupement des organismes environnementaux en énergie