Le Groupe Juste pour rire intéresse plusieurs investisseurs sérieux
L’entreprise, en grande difficulté financière, est à vendre, en totalité ou en partie, et doit être restructurée
Au bord de la faillite, aux prises avec des dettes impayées de presque 50 millions de dollars et des équipes amputées des trois quarts, le groupe Juste pour rire pourrait difficilement s’en sortir autrement que par un processus de restructuration et de mise en vente de ses actifs.
C’est en somme ce qu’a fait valoir hier le contrôleur au dossier, Christian Bourque, de PriceWaterhouseCoopers (PwC), devant la Cour Supérieure du Québec. Compte tenu du niveau d’endettement de l’entreprise, un autre scénario ne serait «juste pas possible», a-t-il soutenu.
«Ça prendrait un retour de la rentabilité tellement spectaculaire» pour espérer créer de la valeur, que cette avenue paraît irréaliste, a-t-il expliqué au juge David R. Collier, au cours d’une audience au palais de justice de Montréal.
TRÈS LOURDEMENT ENDETTÉE
Toutefois, M. Bourque a dit fonder beaucoup d’espoir du côté de la mise en place d’un processus de sollicitation de vente et d’investissement pour les investisseurs intéressés pour reprendre à leur compte une part ou l’ensemble de l’entreprise qu’avait fondée Gilbert Rozon.
Pour mémoire, l’entreprise qu’ont rachetée BCE, le Groupe CH et l’américaine Créative Artist Agency en 2018, s’est placée sous la protection de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité le 5 mars. Ses dettes s’élèvent à 49 M$. Et de l’ensemble des créanciers, la Banque Nationale semble avoir le plus à perdre avec un manque à gagner de 17 M$.
« On reçoit des mises en demeure tous les jours. On est pourchassé par les fournisseurs », a illustré le nouveau président du groupe, Alain Boucher.
Dans son premier rapport, le contrôleur a révélé que Juste pour rire a englouti l’an dernier 800 000 $ dans un festival à Londres et terminé l’année à l’encre rouge, malgré des subventions et des revenus de presque 30 M$.
UN ENGOUEMENT DES INVESTISSEURS
«Ce que je peux vous dire, c’est que j’ai eu beaucoup d’approches d’investisseurs potentiels, a déclaré M. Bourque. Beaucoup de gens se sont positionnés au cours des derniers jours.»
«Et ces gens-là sont souvent représentés par des firmes d’avocats, des firmes d’avocats assez importantes, ce qui nous porte à croire [...] que ce sont des gens sérieux. [...] Donc je suis assez confiant que le processus devrait générer un certain engouement.»
Est-ce que cet engouement perçu permettrait d’espérer recueillir suffisamment de fonds pour effacer l’ensemble des créances du groupe? Sur ce, le contrôleur s’est montré plus évasif.
«On a obtenu des estimations sommaires. Mais c’est vraiment le marché qui va parler là-dessus. [...] Qu’est qu’il va y avoir dans les lettres d’intérêt et les offres finales, ça c’est un élément sur lequel je n’ai pas de visibilité à cette étape-ci.»
DES PERTES À RÉPÉTITION
Outre la Banque Nationale, les créanciers garantis sont la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), avec des créances évaluées à 2,5 M$ et la Banque de développement du Canada (2 M$).
Parmi les créanciers non garantis figure Gilbert Rozon, toujours en attente du paiement d’un solde de 15,6 M$ de la vente de son entreprise. M. Bourque a laissé entendre que cette créance paraissait parmi les plus à risque de ne pouvoir être remboursée, du moins en totalité.
L’ex-PDG de Juste pour rire a été mis à pied en décembre. Son successeur, chef de la direction financière du Groupe depuis 2020, a expliqué de son côté avoir trouvé un repreneur pour la production de la comédie musicale Waitress, espérer vendre aux humoristes les droits que le groupe détient dans leur spectacle, et avoir mis en vente l’immeuble de leur siège social à Montréal. Il espère en tirer une dizaine de millions de dollars.
Au cours des cinq derniers exercices financiers, Juste pour rire n’a réussi à dégager un bénéfice qu’une seule fois, a rappelé M. Bourque. C’était en 2022, au sortir de la pandémie; l’entreprise avait alors réalisé un profit de 1,2 million $. L’embellie fut toutefois de courte durée. En 2023, malgré des revenus de 28,5 millions de dollars, elle a terminé l’année avec une perte nette de 8 millions $.