Une mère monoparentale pourrait perdre sa maison en raison de la hausse des taux
En novembre dernier, Manon a renégocié son hypothèque. En raison de l’augmentation du paiement hypothécaire et du coût de la vie, elle n’est plus en mesure de payer ses cartes de crédit. Pourra-t-elle conserver sa propriété ?
La hausse des taux d’intérêt a frappé de plein fouet tous les propriétaires, d’abord ceux qui avaient signé une hypothèque à taux variable, puis progressivement tous ceux qui avaient contracté une hypothèque à taux fixe. Manon est elle aussi passée dans le tordeur et ses remboursements hypothécaires ont grimpé de 280 $ par mois
Cette mère monoparentale de deux enfants, âgés de 13 et 17 ans, est propriétaire à 33 % d’un triplex. « J’habite l’un des étages. Ma mère et ma soeur occupent les deux autres. La valeur nette de ma portion, si l’on exclut le solde hypothécaire, s’élève à 101 000 $ », explique-t-elle.
ENDETTEMENT PROGRESSIF
La hausse des paiements hypothécaires et du coût de la vie en général a eu de lourdes conséquences sur le budget de Manon. Avec son salaire mensuel de 4 060 $ net, elle a accumulé certains retards sur le paiement minimum de ses cartes de crédit. Aujourd’hui, elle doit 22 000 $ au total à quatre créanciers.
« Les montants se sont accumulés progressivement au fil des années et maintenant je ne parviens même plus à faire les paiements mensuels minimums de 880 $ », se désole-t-elle.
Pour sortir de l’impasse, elle a bien tenté d’obtenir un prêt de consolidation auprès de son institution financière, mais celle-ci le lui a refusé en raison de son haut niveau d’endettement qui a atteint 48 %, ainsi que des retards de paiement subis.
SAISIE ET VENTE FORCÉE ?
C’est la goutte qui a fait déborder le vase, aussi Manon a décidé de consulter le syndic autorisé en insolvabilité Jean Fortin & Associés. Son président, Pierre Fortin, remarque que bien que sur papier, elle détienne davantage d’actifs (sa maison) que de dettes, il lui serait difficile de la liquider rapidement pour rembourser ses créanciers.
« De plus, si elle vend sa maison, il lui faudra se reloger. Il ne sera pas facile de trouver un loyer à un coût inférieur à ce qu’elle paie en ce moment », constate-t-il.
Heureusement une option s’offre à la mère monoparentale : étant donné que chacun de ses créanciers détient une dette relativement minime, il ne serait pas rentable pour eux d’engager un avocat afin d’obtenir un jugement.
« De plus, au Québec, il est interdit pour un créancier de saisir et forcer la vente en justice de la résidence principale d’une personne pour une dette de 20 000 $ ou moins. C’est le cas pour Manon, puisque chacun de ses créanciers a une dette de moins de 7 000 $. Leur seul recours serait de publier une hypothèque sur la propriété et d’attendre que l’immeuble soit vendu ou refinancé », précise Pierre Fortin.
UNE SOLUTION SUR MESURE
Dans de telles circonstances, un syndic sera donc habituellement en mesure de trouver un compromis avec les créanciers. Ici, il a réussi à négocier un montant se situant entre ce que Manon peut payer compte tenu de sa capacité financière, malgré ses actifs, et ce que les créanciers pourraient obtenir s’ils étaient obligés de prendre des procédures judiciaires.
Après discussion, les créanciers ont accepté une proposition de consommateur de 18 000 $, sans intérêt, à verser sur une période de 60 mois.
« Les paiements seront de 300 $, soit bien moins que les paiements minimums de 880 $ qu’exigeaient les cartes de crédit », mentionne Pierre Fortin.
Une bonne nouvelle pour Manon qui pourra donc repartir sur des bases financières assainies.
« Bien souvent, la plus grande crainte des personnes qui nous consultent est de perdre leur maison. Or, dans certaines situations, les lois offrent des protections particulières, comme dans le cas de Manon, qui nous donnent des arguments pour obtenir des compromis de la part des créanciers. Tous y gagnent », conclut Pierre Fortin.