Le Journal de Montreal

Mea culpa, amis du curling !

- Stephane.cadorette@quebecorme­dia.com

Je n’aurais jamais cru qu’un article sur le curling soulève autant de passions. Amis curleurs et curleuses, mea culpa ! Certains termes utilisés dans mon texte pour traiter du cas de dopage impliquant la Canadienne Briane Harris vous ont poussés, comme on dit, à me lancer la première pierre !

Petite remise en contexte, d’abord. En traitant d’un cas plutôt rare de dopage dans le curling, j’ai posé la question à savoir, pourquoi en arriver à se doper dans un tel sport ?

Je soulignais, bien maladroite­ment j’en conviens, que le curling ne devait pas nécessiter une forme du tonnerre et une musculatur­e d’enfer. Toutes les boutades pour mettre un peu de couleur dans un article ne sont pas bonnes à écrire et j’ai vite réalisé que la communauté du curling savait se mobiliser !

Certaines insultes étaient bien senties. La frustratio­n de voir un sport, déjà marginalis­é, être présenté sous un mauvais jour était palpable. Les messages, en majorité toutefois, étaient très bien exprimés et donnaient envie de discuter.

La question, à la base, demeure légitime. Pourquoi Briane Harris ou d’autres athlètes de haut niveau qui pratiquent le curling peuvent en arriver à se doper pour mieux performer ?

Les gens qui mangent du curling ont la réponse à cette épineuse question, mais pas forcément monsieur et madame Tout-le-Monde, dont certains qui regardent un match à chaque éclipse solaire.

LA PAROLE AUX VRAIS

C’est là où je dois m’incliner bien bas. Pour tenter une vraie réponse, valait mieux passer le crachoir à ceux qui connaissen­t ce sport pour vrai, à ceux qui le vivent de l’intérieur. Ce que je n’ai pas fait à la base et qui m’aurait évité 15 ou 16 coups de balai bien mérités !

Laurie St-Georges a représenté le Québec avec son équipe au Tournoi des Coeurs pour une quatrième année, en février. Elle n’a que 26 ans, mais baigne dans le curling depuis 20 ans.

Elle a évidemment vu son sport évoluer au fil des ans. Selon elle, les méthodes d’entraîneme­nt de l’Ontarien Brad Jacobs, qui a mené l’équipe canadienne à l’or olympique en 2014 à Sotchi, ont changé bien des habitudes dans le milieu, et les meilleurs souhaitent désormais gagner en masse musculaire.

« Au curling, les tests physiques sont devenus communs. Les athlètes vont en gymnase plusieurs fois par semaine pour avoir une meilleure efficacité sur la glace et prolonger leur carrière », ajoute-t-elle.

« Plus tu mets du poids sur le balai, mieux c’est, donc il doit y avoir prise de masse musculaire. Techniquem­ent, il y a donc un lien possible entre ce principe et le produit qui s’est retrouvé dans le corps de Briane, même si ce n’est pas à moi de me prononcer sur son cas », dit Laurie St-Georges.

À VOS BROSSES !

Comme Laurie l’explique, pour chaque pierre lancée, un brossage intensif de 20 à 25 secondes doit être effectué. Après un répit d’environ 45 secondes, ce manège recommence encore et encore.

« Fais ça pendant deux heures et demie, deux fois par jour, pendant une semaine de compétitio­n. Tu vas voir que tu vas ressortir brûlé ! » nous lance-t-elle.

On la croit sur parole. Les curleurs et curleuses ne prétendent donc pas être des Sidney Crosby, Patrick Mahomes ou LeBron James. Tous les sports sont différents, mais pour eux, il est erroné de se fier aux vieilles perception­s voulant que le curling ne soit qu’un loisir de ligue de bière.

FAUSSES PERCEPTION­S

Félix Asselin s’apprête à prendre part au Championna­t canadien en double mixte avec Laurie St-Georges. Il a aussi représenté le Québec au Brier par le passé. Pour lui, il est grand temps que les vieux clichés tombent.

« Tu imagines un joueur de hockey s’entraîner. Tu imagines un joueur de la NBA s’entraîner. Les gens n’imaginent pas ça au curling et c’est encore plus vrai dans la communauté francophon­e, où notre sport est encore dénigré, par rapport au reste du Canada. »

« Avec la présence du curling aux Jeux olympiques [depuis 1998], on voit que le sport devient de plus en plus profession­nel. Les athlètes sont de plus en plus en forme. Le même genre de stéréotype qui existait il y a plusieurs années au golf est en train de disparaîtr­e dans notre sport. Tu ne peux plus passer à côté de l’entraîneme­nt pour figurer dans les meilleurs au monde », s’exprime-t-il.

UN CAS ISOLÉ ?

Pour en revenir à la prémisse de départ, les athlètes consultés n’excusent certaineme­nt pas le dopage. Ils ne disent en aucun cas qu’il s’agit d’une avenue à considérer. Leurs réponses font cependant réaliser qu’il y a des pistes pour tenter de comprendre les rares cas au curling et qu’ils n’ont rien de risible.

« Il y a eu d’autres cas de dopage avant et sans parler du cas actuel. Dans un sport qui devient de plus en plus compétitif, on peut deviner qu’il va y en avoir d’autres », estime Félix.

Vous voyez bien, à lire des athlètes sérieux, que le curling n’a rien d’un petit sport loufoque.

Mea culpa encore une fois, gens du milieu tissé serré du curling. Vous m’avez donc lancé la première pierre. Moi, je vous offre cette chronique et la première bière.

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 ?? PHOTO FOURNIE PAR CURLING CANADA ?? La Québécoise Laurie St-Georges en action durant une compétitio­n de curling.
PHOTO FOURNIE PAR CURLING CANADA La Québécoise Laurie St-Georges en action durant une compétitio­n de curling.

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