Le Journal de Montreal

Prise dans l’enfer de la prostituti­on

La mère d’une toxicomane lance un cri du coeur afin que d’autres ne tombent pas dans le même piège que sa fille

- JÉRÉMY BERNIER

Une dame dont la fille est coincée dans les rouages de la prostituti­on et l’enfer de la drogue lance un cri du coeur dans l’espoir d’éviter que d’autres jeunes femmes ne tombent dans le piège.

« Je sais que ma fille va en mourir un jour, mais si au moins je peux en sauver d’autres... », souffle avec émotion Hélène Gagné.

Sa plus jeune fille, Justine, n’avait qu’une douzaine d’années quand elle a commencé à consommer de la drogue. Le tout, à l’insu de sa mère qui travaillai­t de nuit dans les bars et comme coiffeuse de jour, étant mère monoparent­ale de deux jeunes filles.

Mais ce n’est qu’après quelques années que Mme Gagné a réalisé que sa fille se levait la nuit pour lui faire les poches. Elle s’est aussi fait prendre à quelques reprises à voler dans des commerces et des dépanneurs pour pouvoir combler ses besoins de consommati­on.

C’est à ce moment que sa mère a décidé de l’envoyer dans un centre jeunesse.

« Ça a été le début de la fin », soupire Mme Gagné, affirmant que c’est là-bas qu’elle a commencé à côtoyer des personnes issues du milieu de la prostituti­on.

UN CYCLE INFERNAL

Elle a d’abord fugué du centre jeunesse avant d’être retrouvée dans un réseau d’escortes de Calgary. Puis, elle a enchaîné les cycles de thérapie, de rechute et de prostituti­on pour pouvoir consommer.

Au fil des années, tout y est passé : cannabis, GHB, amphétamin­es, ecstasy, héroïne... Aujourd’hui âgée de 26 ans, Justine est itinérante. Bien qu’elle demeure en contact avec elle, sa mère a été obligée de la mettre à la porte pour sa propre sécurité.

« Quand elle a besoin d’aide, je vais la chercher. Je m’en occupe quand elle fait des overdoses chaque semaine. Je ne suis pas capable de l’abandonner, je ne peux pas faire le deuil de ma fille alors qu’elle est encore vivante », déplore Mme Gagné.

RESTER PRÉSENTS

Des histoires de la sorte, le Projet Interventi­on Prostituti­on Québec (PIPQ) en a vu plein. La décision de s’en sortir doit venir de la personne elle-même et ne peut pas être imposée par autrui, explique-t-on.

« Ce qu’on dit aux proches, c’est de rester présents et à l’écoute pour la personne qui baigne dans ce milieu-là, pour que celle-ci continue de se sentir aimée, même si la relation doit changer pour la sécurité du parent », souligne l’intervenan­te Noémie Tisserant.

Plus une personne s’enfonce longtemps dans un mode de vie marginalis­é comme celui de la prostituti­on, plus il est difficile de s’en sortir en raison de l’isolement qui en découle, indique Mme Tisserant.

C’est justement pour éviter à d’autres jeunes femmes de commettre cette erreur qu’Hélène Gagné a accepté de raconter son histoire aujourd’hui.

FAMILLE BRISÉE

« Je ne vais peut-être pas sauver ma fille, mais je veux que les choses changent. Ça brise une famille », lance-t-elle, assurant que trop de proxénètes se la coulent douce sans s’inquiéter des autorités parce que « les filles ont peur de parler ».

« Les centres de crise, les hôpitaux et la police me disent qu’ils ont les mains liées. Ce n’est pas normal », conclut-elle, un trémolo dans la voix.

 ?? PHOTOS STEVENS LEBLANC ET FOURNIE PAR HÉLÈNE GAGNÉ ?? Hélène Gagné a dû évincer de chez elle sa propre fille en raison des problèmes de consommati­on de celle-ci, qui la mettaient en danger. En mortaise, sa fille Justine qui a fait des passages réguliers à l’hôpital en raison de nombreuses surdoses et du milieu de la prostituti­on dans lequel elle évolue.
PHOTOS STEVENS LEBLANC ET FOURNIE PAR HÉLÈNE GAGNÉ Hélène Gagné a dû évincer de chez elle sa propre fille en raison des problèmes de consommati­on de celle-ci, qui la mettaient en danger. En mortaise, sa fille Justine qui a fait des passages réguliers à l’hôpital en raison de nombreuses surdoses et du milieu de la prostituti­on dans lequel elle évolue.

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