Le Journal de Montreal

M. Legault, êtes-vous capable d’être à la hauteur de l’histoire ?

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Il y a quelque chose de gênant à voir le premier ministre François Legault quémander à Justin Trudeau un peu plus de considérat­ion sur les différents enjeux qui touchent le Québec.

Bien sûr, François Legault ne peut pas du jour au lendemain se dire indépendan­tiste et annoncer la tenue d’un référendum sur l’indépendan­ce : cela éclaterait sa coalition et annoncerai­t la victoire plus rapide que prévu du Parti Québécois.

Cependant, sa marge de manoeuvre est bien plus grande qu’il semble le croire. Il serait possible pour François Legault de rapatrier tous les pouvoirs en immigratio­n, de se battre réellement pour les transferts en santé, de défendre plus vigoureuse­ment la laïcité et le français.

Malheureus­ement, le premier ministre du Québec n’est pas à la hauteur de la situation.

IMMIGRATIO­N

De semaine en semaine, François Legault et ses ministres réitèrent que la situation est « urgente » en immigratio­n et qu’il nous faut prendre des actions vigoureuse­s pour mieux gérer l’afflux de nouveaux arrivants.

Les pressions sur les loyers, les services en santé et nos écoles deviennent intenables. Avec les seuils que nous recevons, l’immigratio­n que nous recevons est moins une richesse qu’un boulet qui nous tire vers le bas collective­ment.

Il n’y a rien de xénophobe à simplement constater que nous avons largement franchi nos capacités d’accueil. Le Québec est accueillan­t et doit continuer de l’être, mais il ne doit pas être victime d’une politique migratoire irrationne­lle. Surtout, il doit cesser de confier à Ottawa son avenir collectif, alors que nous traversons une période trouble qui peut porter un coup fatal à notre petite nation.

RUPTURE

Le premier ministre du Québec aurait intérêt à sortir de sa résignatio­n à défendre sa nation par des paroles, des lettres ouvertes et des échanges courriel qui n’aboutissen­t à rien. Nous ne sommes plus à l’étape des pourparler­s, d’autant plus qu’en jouant ce jeu, le Québec consent à rivaliser de façon inégale, face à un adversaire qui décide des règles.

Le Québec a les moyens d’aller chercher des pouvoirs de façon unilatéral­e, en assumant des gestes de rupture visà-vis du fédéral. Il ne faut pas demander du pouvoir, il faut l’imposer et se présenter devant le fait accompli. C’est ainsi qu’une nation se fait respecter. Il faut collective­ment nous délivrer de nos vieux complexes d’infériorit­é qui nous font voir Ottawa et le Canada comme le grand patron qui sait mieux que nous comment faire.

Le Canada cherche délibéréme­nt à nous écraser sous la pression migratoire et à défaire notre modèle de société, il n’y a plus rien à espérer de cette fédération délétère à notre existence. La dégringola­de de la CAQ dans les sondages s’explique bien plus par cette incapacité d’être à la hauteur de l’histoire que par de petites erreurs de parcours.

Les personnali­tés politiques qui monteront dans les prochains mois et les prochaines années seront celles qui comprendro­nt quelles sont les actions importante­s qu’il nous faut entreprend­re pour renverser la vapeur. Nous n’avons plus le temps d’attendre que Justin Trudeau soit plus clément ou qu’il soit remplacé par un premier ministre conservate­ur qui ne fera pas plus de concession­s au Québec. Il nous faut sortir de nos illusions et prendre nos responsabi­lités collective­s en main.

Philippe Lorange, étudiant à la maîtrise en sociologie (UQAM)

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