Le Journal de Montreal

Aya Nakamura et le racisme ordinaire

- Guy.fournier@quebecorme­dia.com

La chanteuse Aya Nakamura chantera-t-elle aux Jeux olympiques de Paris comme le souhaite le président Macron ?

P’têt ben que oui, p’têt ben que non ! La guerre est « pognée ben dur » en France à ce sujet et, loin de s’amenuiser, la controvers­e s’amplifie de jour en jour et les arguments de ceux qui s’opposent ne sauraient être plus fallacieux.

Est-ce le fait qu’Aya Nakamura soit noire qui rebute autant de Français? Évidemment, non, clament en choeur ceux qui disent plutôt défendre la langue française bec et ongles! C’est le prétexte que brandit Marine Le Pen. Si la présidente du Rassemblem­ent national dénonce la présence aux J.O. de la chanteuse d’origine malienne (Nakamura est née à Bamako), c’est qu’elle ne chanterait pas en français ! Pour ceux qui n’ont jamais écouté Nakamura, disons que son français ressemble à celui de Sarahmée, de Fouki ou de Samian.

LE FRANÇAIS « S’INTERNATIO­NALISE »

C’est une langue que ne parlent ni Gilles Vigneault, ni Louis-Jean Cormier, ni même Jim Corcoran, dont la langue maternelle est l’anglais. Mais la langue d’Aya Nakamura est celle qu’entendent quotidienn­ement des millions de francophon­es du monde dont nous, Québécois. Le français est devenu « multiple ». Celui que nous parlons au Québec n’est pas celui des Français de France comme on les appelle. À preuve, les films et les séries québécoise­s qu’on sous-titre ou qu’on double pour leur diffusion en France.

Mais la fin de ces sous-titres et de ces doublages qui nous choquent achève. Les Français sont de plus en plus rompus à l’accent et aux idiomes québécois comme ils sont de plus en plus familiers avec le français africain. La télévision, le cinéma et la chanson ont rendu compréhens­ibles les divers français que l’on parle à travers le monde. Quoi que prétendent Marine Le Pen et plusieurs commentate­urs, en particulie­r ceux d’extrême droite, c’est facile de déterminer que ce n’est pas parce qu’Aya Nakamura parle mal français qu’ils s’opposent à ce qu’elle chante aux prochains Olympiques. Le « mauvais » français de ses chansons leur fournit une excuse rêvée, car s’ils s’opposaient à cause de sa couleur de peau, le tollé serait assourdiss­ant. Comme il semble qu’on demandera à Nakamura d’interpréte­r une chanson d’Édith Piaf, il leur deviendra de plus en plus difficile d’invo quer la qualité de son français pour s’opposer à sa présence aux Olympiques.

PAUVRE YVES MICHAUD !

Yves Michaud, qui fut mon confrère de classe à Saint-Hyacinthe et que j’ai toujours estimé, sera donc mort sans que soit corrigée la malheureus­e motion de blâme votée contre lui en décembre 2000 par les 109 députés de l’Assemblée nationale. Cette motion a fait oublier la lutte incessante de Michaud pour le français et son acharnemen­t contre la cupidité des banques qui lui a valu le surnom de « Robin des banques ».

La motion discutable qu’a tenté de réparer Pauline Marois lorsqu’elle était première ministre, a pourri la vie de Michaud et l’a littéralem­ent hanté jusqu’à la fin. Il ne fut jamais l’antisémite qu’a condamné cette motion inédite dans l’histoire parlementa­ire.

L’Assemblée nationale a montré à cette occasion la même étourderie que la semaine dernière lorsque Martine Biron fit adopter une motion dénonçant un jugement de la Cour suprême sans l’avoir lu. Une seule fois dans son jugement, la juge Sheilah Martin écrit « une personne ayant un vagin » et c’est approprié et beaucoup plus explicite à notre époque de « trans-genrisme ». Partout ailleurs, le jugement parle de « femme ».

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PHOTO AFP Aya Nakamura

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