Le Journal de Montreal

Quand la LNH comprendra-t-elle que les coups de poing à la tête peuvent causer la mort ?

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Les témoignage­s à l’endroit de Chris Simon sont unanimes. L’homme avait grand coeur. C’est généraleme­nt le cas chez les joueurs de hockey qui ont gagné leur vie avec leurs poings. Ce sont des durs au coeur tendre. Je peux en témoigner.

Todd Ewen était l’un des joueurs les plus gentils qu’il m’a été donné de connaître chez le Canadien. Il était un artiste avec un crayon à dessin ou un pinceau à la main. Il créait des bandes dessinées pour les enfants.

À 49 ans, le cerveau rongé par l’encéphalop­athie traumatiqu­e chronique (ETC), il a décidé d’en finir avec la vie. Il s’est suicidé par arme à feu.

À son tour, la famille de Chris Simon a confirmé mercredi qu’il s’est enlevé la vie. Dans un communiqué diffusé par l’ancien agent de Simon, Paul Theofanous, elle indique qu’elle a toutes les raisons de croire que l’ancien dur à cuire de la Ligue nationale de hockey était affecté par l’ETC.

DURÉE DE VIE MOINS LONGUE

Plus personne ne peut nier l’évidence. Les coups répétés à la tête causent des traumatism­es qui peuvent mener à la mort. Des études le prouvent hors de tout doute.

Le Jama Network Open est une revue mensuelle publiée par l’American Medical Associatio­n. Des chercheurs ont fait un échantillo­nnage de 6039 joueurs ayant joué dans la Ligue nationale de hockey de 1967 à 2022. De ce groupe, 331 avaient livré 50 combats et plus.

Vingt et un de ces joueurs sont décédés prématurém­ent après leur carrière. Parmi eux, 11 étaient atteints de l’ETC. L’étude indique aussi que la durée de vie des joueurs chez qui la bagarre était un rituel est de 10 ans inférieure à la moyenne générale.

Steve Montador parlait ouvertemen­t de sa dépression causée par les nombreuses commotions cérébrales qu’il a subies durant sa carrière de 10 saisons dans la LNH. Il a ensuite joué une saison dans la Ligue américaine puis une dernière en KHL.

En 2015, un an après s’être retiré de la compétitio­n, il a été trouvé mort à son domicile de Mississaug­a. Selon son frère, il a cessé brusquemen­t de respirer ou son coeur a flanché. Quatre jours après son décès, sa compagne de vie donnait naissance à un garçon. Montador avait 35 ans,

Rick Rypien et Wade Belak se sont donné aussi la mort. Ils avaient 27 et 35 ans respective­ment. Derek Boogaard et John Kordic ont succombé à des surdoses de drogues à l’âge de 28 et de 27 ans. Bob Probert, 45 ans, et la liste continue. Probert a été emporté par une crise cardiaque alors qu’il naviguait sur son bateau par une belle journée d’été.

ALCOOLIQUE À L’ADOLESCENC­E

La surconsomm­ation de drogue et d’alcool est fréquente chez ce type d’athlète. Chris Simon a été repêché par les 67 d’Ottawa, à 16 ans. Il s’est retrouvé dans un environnem­ent où plusieurs de ses coéquipier­s étaient âgés de 19 ou 20 ans. Il a plongé dans l’alcool pour faire comme les autres. Son équipe l’a suspendu 20 matchs. Son entraîneur Brian Kilrea, dans le but de lui venir en aide, l’a échangé aux Greyhounds de Sault-SainteMari­e, ville située à proximité de la réserve indienne où il a grandi. L’entraîneur Ted Nolan, autochtone de souche Objiwé tout comme lui, l’a pris sous son aile, peut-on lire dans une chronique de Bruce Arthur, du Toronto Star.

L’appui de Nolan l’a replacé dans le bon chemin. À 19 ans, il est redevenu sobre.

« Je sais que si je n’avais pas cessé de boire, je ne jouerais pas dans la LNH », a-t-il raconté dans une entrevue au Washington Post, en 2000.

« Je ne sais pas si je serais vivant. Ce chapitre de ma vie m’a permis de devenir une meilleure personne. Je suis plus fort mentalemen­t. Arrêter de boire n’a pas été facile. C’était dur au début, mais c’est ma vie qui compte maintenant. Je suis heureux d’être sobre et je ne veux pas que ça change. »

Un autre danger le guettait toutefois sur la glace. En encaissant des coups à la tête, il jouait encore avec sa vie. Mais à ce qu’on dit, les joueurs de hockey qui jetaient les gants ne connaissai­ent pas les risques qu’ils prenaient à l’époque.

Y EN AURA-T-IL D’AUTRES ?

Il serait cependant plus juste de dire qu’ils étaient tenus dans l’ignorance. Des études scientifiq­ues effectuées aussi loin que dans les années 1920 et 1930 montraient que les boxeurs s’exposaient à de graves dangers dans la pratique de leur métier.

Y aura-t-il d’autres bagarreurs du monde du hockey qui vont mourir ?

C’est à souhaiter que Chris Simon soit le dernier de cette lignée, mais il n’y a rien de moins sûr.

Les Nicolas Deslaurier­s, Ryan Reaves, Mike Pezzetta, Matt Rempe et les autres ne peuvent pas invoquer l’ignorance. Ils savent qu’un coup de poing peut les anéantir et que les chances que leur santé mentale soit défaillant­e plus tard dans leur vie sont élevées.

Mais ce n’est pas une raison pour continuer à endurer cette barbarie.

Peut-être pour se donner bonne conscience, la LNH s’est dite attristée par le décès de Simon. C’était avant que la thèse du suicide ne soit corroborée.

Ça devrait être assez pour abolir les bagarres. Mais on ne sent pas cette volonté chez Bettman. Le commissair­e Gary Bettman brandit des sondages maison disant que les amateurs aiment voir des combats de boxe sur la patinoire. Pour autant que ce ne sont pas eux qui se font démolir le portrait, c’est le fun à regarder.

Désolant !

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PHOTO D’ARCHIVES, REUTERS Le juge de ligne Kevin Collins vient s’enquérir de l’état de Chris Simon après un sanglant combat contre André Roy, des Sénateurs d’Ottawa, en novembre 1999.
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