Yves Michaud, un homme d’honneur et de parole
Décédé à l’âge vénérable de 94 ans, Yves Michaud n’était pas un être facile. Mais n’est-ce pas la marque des hommes et des femmes d’exception qui, tout au long de leur vie, donnent d’eux-mêmes à leur société sans jamais compter ?
Yves Michaud était un homme de principes. Les siens : droiture, franchise, justice, famille, loyauté, amour de sa patrie et des humains plus fragiles que lui. D’où ses carrières multiples.
Politicien. Journaliste. Délégué général du Québec à Paris. Robin des banques. Érudit jusqu’au bout des doigts. Amoureux d’une langue française qu’il maîtrisait comme un virtuose et qu’il aura défendue sans flancher.
Raffiné à l’humour acéré. Épicurien authentique. Ami fidèle des plus grands, dont René Lévesque et Jacques Parizeau. Yves Michaud était avant tout un homme de son siècle et de tous les siècles.
Chevaleresque et toujours prêt au combat, on l’aurait dit sorti tout droit d’un roman de cape et d’épée. Le connaître était un privilège.
Une vie aussi riche ne se résume pas en une courte chronique. Je le sais trop bien. Tout comme je sais qu’elle ne saurait être réduite à cette motion de blâme « scélérate » du 14 décembre 2000, comme il la qualifiait avec raison.
La gravité de l’événement et l’immense douleur qu’elle lui aura causée pour le reste de sa vie commandent cependant qu’on en reparle.
UN JOUR NOIR
En ce jour noir de décembre 2000, tel un troupeau de moutons sourds et aveugles, les élus de l’Assemblée nationale, dont François Legault, condamnaient Yves Michaud à l’unanimité pour des propos xénophobes et antisémites qu’il n’avait pourtant jamais tenus.
En cherchant cruellement à déshonorer Yves Michaud, le Parlement du peuple québécois s’est déshonoré luimême. Les parlements, comme je l’ai déjà écrit, ne sont pas des tribunaux de la pensée des citoyens. Leur rôle est d’être leur voix et non pas l’outil de leur silence.
Pis encore, depuis, même si plusieurs élus ont reconnu individuellement leur erreur, quelques rares tentatives de faire amende honorable ont toutes échoué.
Jamais l’Assemblée nationale ne s’est excusée de sa propre infamie ni ne s’est assurée qu’une telle injustice ne se reproduirait jamais. Même le premier ministre actuel dit aujourd’hui qu’il « vit bien » avec son vote de l’époque.
En mars 2001, l’ancien chef du Parti égalité, Robert Libman, fut pourtant clair. Les propos de M. Michaud, a-t-il dit, avaient été « déformés de façon incroyable. Les gens l’accusent de minimiser l’Holocauste, alors qu’il n’a jamais fait ça ».
La réalité est en effet que le jour de cette « motion de blâme » contre Yves Michaud, la politique a montré son pire visage. Celui d’une lâcheté sans nom.
DES EXCUSES
Le 14 décembre 2000, l’exécution politique d’Yves Michaud, pourtant un honnête homme, fut livrée par le premier ministre péquiste, Lucien Bouchard.
Objectif : ruiner la réputation de M. Michaud, qui non seulement lui tenait tête sur le front linguistique, mais voulait se présenter candidat à l’investiture du PQ dans le comté de Mercier.
Trop heureux d’accommoder une opération dépeignant un souverainiste notoire en dangereux xénophobe, Jean Charest, chef de l’opposition officielle, s’amusa aussi à jouer un rôle de premier plan dans le torpillage téléguidé de M. Michaud.
L’ironie ultime sera qu’un mois à peine plus tard, le 11 janvier 2001, Lucien Bouchard quittera la politique. Dans son discours final, sans le nommer, il s’en prendra encore à Yves Michaud dont les propos, ajoutera-t-il même, « ont fait du tort à la réputation du Québec à l’étranger ».
Maintenant qu’Yves Michaud a quitté ce monde, l’Assemblée nationale doit enfin s’amender. C’est une question de justice élémentaire. Lucien Bouchard serait également sage de présenter ses propres excuses.
Parce qu’à travers l’épais brouillard de ce qu’on a appelé à tort l’« affaire » Michaud, une certitude demeure. Yves Michaud était un homme d’honneur et ouvert sur le monde. Il est grand temps de le dire haut et fort.