Le prix des légumes pourrait exploser
L’imposition de visas aux travailleurs mexicains par Ottawa pourrait se transformer en cauchemar agricole
Des centaines de travailleurs étrangers temporaires (TET) mexicains qui ont du mal à obtenir leur visa pour venir ici pourraient compromettre le début de la saison, faire exploser les prix des légumes et même pousser des fermes à la faillite.
« Ça semble être une catastrophe. C’est une chicane entre deux gouvernements, et nous, on subit », soupire Catherine Lefebvre, présidente de l’Association des producteurs maraîchers du Québec (APMQ).
« Si les premiers travailleurs ne peuvent pas arriver, ça veut dire qu’il y aura des répercussions sur les plantations, les récoltes et les revenus », résume-t-elle.
Quelque 4500 travailleurs mexicains sont attendus d’ici la mi-juin. Or, des centaines d’entre eux, attendus en avril pour préparer les récoltes, n’ont pas encore leurs fameux papiers.
C’est que depuis le 29 février dernier, les travailleurs mexicains doivent répondre aux mêmes exigences que celles imposées aux autres citoyens mexicains par le Canada : avoir un visa d’entrée. Mais cette démarche n’est pas si simple pour eux là-bas.
Et les effets se font déjà sentir chez nous. « L’imposition du visa aux citoyens mexicains diminue les achats de billets d’avion, obligeant Aeromexico à annuler plusieurs vols en avril et mai », mentionne une infolettre interne de la Fondation des Entreprises en Recrutement de Main-d’oeuvre agricole Étrangère (FERME) obtenue par Le Journal.
D’après Catherine Lefebvre, présidente de l’APMQ, il faut avoir d’urgence ces bras autour du 15 ou 20 avril pour commencer les plantations au champ, sinon « il n’y en a pas de solution ».
« La première production impactée sera les asperges, car elles doivent être prêtes début mai », souffle-t-elle.
« C’EST TRÈS INQUIÉTANT »
À Saint-Thomas, dans Lanaudière, le propriétaire d’Asperges Primera, Mario Rondeau, dort moins bien depuis que l’incertitude plane autour de ses travailleurs.
« C’est très inquiétant. Sur 23, j’en ai 14 qui ont un visa, cinq qui ont payé et qui attendent la réponse de l’ambassade là-bas », confie celui qui cultive des asperges blanches et mauves depuis huit ans.
« Il y a des vols d’annulés en avril, car les avions se remplissent moins chez Aeromexico. C’est sûr que ce sera le bordel », partage celui qui a écrit à son député pour dénoncer la situation.
« S’ils arrivent deux semaines en retard, les dégâts seront faits », dit-il.
MAUX DE TÊTE
À 130 kilomètres de là, dans la MRC des Jardins-de-Napierville, Marc-André Van Winden des Fermes Hotte et Van Winden inc., à Napierville, déplore que la moitié seulement de ses 30 travailleurs mexicains soient prêts à arriver en avril comme prévu.
« Ça me cause des maux de tête, car on a un printemps hâtif. On voulait nos travailleurs rapidement », confie l’agriculteur de la Montérégie.
Il comprend mal pourquoi Ottawa a été capable de pousser la machine durant la pandémie, mais qu’il ne semble pas capable de le faire maintenant.
« Ce sont eux qui ont créé le problème, donc ils ont les outils pour le résoudre », lance celui qui porte aussi le chapeau de vice-président de FERME.
IMMIGRATION CANADA SE DÉFEND
« C’EST TRÈS INQUIÉTANT. SUR 23, J’EN AI 14 QUI ONT UN VISA, CINQ QUI ONT PAYÉ ET QUI ATTENDENT LA RÉPONSE DE L’AMBASSADE LÀ-BAS » –Mario Rondeau, Asperges Primera
Joint par Le Journal, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) n’a pas été en mesure de répondre à nos questions.
Jeudi dernier, Emploi et Développement social Canada (EDSC) a annoncé de son côté que le pourcentage de travailleurs étrangers temporaires (TET) autorisés passera de 30 % à 20 % en mai prochain,
« Nous avons annoncé notre intention de diminuer l’embauche de travailleurs étrangers temporaires au Canada et d’encourager les employeurs à trouver les talents dont ils ont besoin ici, dans notre pays », a indiqué le ministre canadien de l’Emploi, Randy Boissonnault.
Il y a un mois, Le Journal rapportait qu’une certaine colère commençait à se cristalliser chez les agriculteurs québécois, après celle de leurs confrères en Europe qui ont manifesté pendant plusieurs jours.