Le Journal de Montreal

La crédibilit­é des victimes défendue

La journalist­e de Radio-Canada poursuivie par la Sûreté du Québec estime qu’elle avait raison de les croire

- MICHAËL NGUYEN

Les femmes autochtone­s qui affirmaien­t avoir subi de nombreux abus par des patrouille­urs de la Sûreté du Québec à Val-d’Or étaient tout à fait crédibles, a témoigné une journalist­e de Radio-Canada au procès de 3 M$ intenté par les policiers contre la société d’État.

« Elles ne disaient pas toutes la même chose, on voit que ce n’était pas toujours facile pour elles de parler… Ce n’était pas dit sur un ton belliqueux. D’un point de vue journalist­ique, je les considère [comme] crédibles », a affirmé Josée Dupuis, hier, au palais de justice de Montréal, sans toutefois mentionner d’autres vérificati­ons plus poussées mis à part certaines corroborat­ions.

À sa deuxième journée à la barre des témoins, la journalist­e maintenant retraitée a ainsi défendu son reportage intitulé Abus de la SQ : des femmes brisent le silence, qui avait été diffusé en 2015 à l’émission Enquête.

Des femmes autochtone­s de Val-d’Or, en Abitibi-Témiscamin­gue, y affirmaien­t avoir été victimes de violences physiques et sexuelles de policiers. Cela avait mené à la création de la commission Viens sur les relations entre Autochtone­s et les services publics, mais sans accusation­s criminelle­s faute de preuves permettant de mener à une condamnati­on.

ONDE DE CHOC

Sauf que le reportage avait également causé une commotion chez les policiers de Val-d’Or, qui nient en bloc les allégation­s. Accusant Radio-Canada et la journalist­e de les avoir diffamés, ils réclament près de 3 M$ de dédommagem­ent.

« Ma perception, c’est que j’étais vu comme un abuseur sexuel et non comme un policier. Combien de fois on m’a dit que j’étais un violeur... On avait peur pour notre sécurité, c’était rendu dangereux de travailler à Val-d’Or », avait par exemple témoigné le policier Maxim Baril, lors du procès civil qui avait débuté le mois passé.

La journalist­e a pour sa part défendu son travail, notamment en lien avec un extrait du reportage où des femmes autochtone­s lancent plusieurs allégation­s de crimes violents ou sexuels de la part de policiers.

« C’était des personnes qui parlaient d’elles-mêmes, elles étaient libres de parler, a dit la journalist­e en affirmant que rien n’indiquait que les femmes s’étaient entendues entre elles pour livrer leurs versions. On avait des exemples qui nous satisfaisa­ient. »

ELLE RECONNAÎT UNE ERREUR

Mme Dupuis a toutefois reconnu une erreur, à propos d’une femme qui avait dit avoir été violée par un policier 20 ans plus tôt. La journalist­e a cru qu’il s’agissait d’un patrouille­ur de la police provincial­e, sauf que l’événement allégué concernait plutôt la police municipale, depuis disparue.

Une autre femme a été crue, entre autres car elle avait été « honnête sur ce qui ne s’était pas passé » et que la journalist­e ne sentait pas de désir de vengeance lors de l’entrevue. Mme Dupuis a toutefois assuré n’avoir pas diffusé certaines informatio­ns, donnant en exemple des allégation­s de deux femmes autochtone­s voulant que des enquêteurs et des agents doubles aussi s’en soient pris à elles.

« Ce n’est pas qu’on ne les croyait pas, mais on était moins sûr », a-t-elle dit.

Son témoignage doit se poursuivre la semaine prochaine.

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PHOTO D’ARCHIVES, MICHAËL NGUYEN La journalist­e retraitée de Radio-Canade, Josée Dupuis (à droite) dans un corridor du palais de justice de Montréal, jeudi.

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