Le Journal de Montreal

Le Québec est bipolaire

On s’en doutait déjà lors des grèves d’avant Noël.

- Analyste politique emmanuelle.latraverse@tva.ca

Malgré la précarité des finances publiques, les Québécois étaient solidaires des revendicat­ions syndicales.

Il fallait des hausses de salaire importante­s, un réinvestis­sement massif, au diable le déficit.

On connaît maintenant l’ampleur de la facture et du gouffre financier.

N’empêche, selon le sondage Léger publié plus tôt cette semaine, tout le monde demeure de mauvaise humeur et personne ne veut piger dans sa poche pour éponger la facture.

Bienvenue au Québec, où l’argent pousse dans les arbres.

LES LICORNES

Le gouverneme­nt Legault espérait qu’un déficit de 11 G$ éveillerai­t les conscience­s et permettrai­t de forger un consensus quant à l’urgence d’assainir les finances publiques.

C’est loupé. Seuls 39 % des électeurs souhaitent un retour à l’équilibre budgétaire.

L’idée de réinvestir dans les services publics rallie plutôt 40 % des électeurs. Mais ils veulent en même temps, à hauteur de 57 %, une réduction modérée des dépenses pour assainir les finances publiques.

Dépenser plus tout en dépensant moins, beau concept pour gouverner ? !

Triste à dire, mais nous voilà au point de rupture.

Les électeurs en ont ras le bol d’un système de santé où une femme meurt à l’urgence sans avoir été vue par un médecin pendant 18 heures.

Ils en ont ras le bol de voir leurs enfants se farcir une remplaçant­e tous les vendredis ou voir leur ado au bord du décrochage parce que le système l’a lâché par manque de ressources.

On pourrait aussi mentionner les CHSLD, les garderies, les soins à domicile.

LE MUR

Réinvestir.

C’est devenu une incantatio­n contre l’austérité du gouverneme­nt Couillard.

Mais ça fait 6 ans que le gouverneme­nt Legault réinvestit. Et ça ne va pas mieux.

Entre en scène la fabuleuse « flexibilit­é » réclamée dans les nouvelles convention­s collective­s.

Mais elle se frappe le nez à la pénurie de main-d’oeuvre, qui s’embourbe dans le noeud gordien des travailleu­rs étrangers temporaire­s.

C’est la fuite en avant de l’État providence québécois.

Dépenser plus pour répondre à une demande intarissab­le.

Car la reprise économique ne permettra pas de résoudre le déficit. Le mirage d’une « optimisati­on » des dépenses non plus.

Mais ça, on ne veut pas en parler. Certains diront qu’une politique de croissance économique sur les stéroïdes permettrai­t, à terme, de résoudre le problème. Il s’agirait de combler l’écart de richesse avec l’Ontario.

C’est oublier qu’au Québec, on veut les batteries pour les autos électrique­s, sans l’usine de batteries.

On veut le tramway sans abattre des arbres, la ligne bleue sans expropriat­ions.

On veut l’efficacité des chirurgies au privé sans avoir à débourser un sou.

Finalement, au Québec, on veut le beurre et l’argent du beurre et tout le reste avec.

Ça serait sain si un parti politique osait le dire.

Mais non. La CAQ est trop préoccupée par sa réélection. Le PQ préfère la souveraine­té. Le PLQ carbure à l’indignatio­n. Et QS s’imagine que taxer les riches va régler le problème.

Et tout ce beau monde ose rendre hommage au courage politique de Brian Mulroney !

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Et si, au-delà de rendre hommage à Brian Mulroney, la classe politique s’inspirait de son courage ?

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