Le Journal de Montreal

Le prix du steak pourrait grimper

Les grillades de boeuf risquent de coûter entre 25 et 40 % plus cher en raison de la diminution des élevages

- MATHIEU BOULAY

« SI ON A UNE AUGMENTATI­ON DE 10 OU 25 %, JE N’AURAI PAS LE CHOIX DE LA REFILER À MON CLIENT PARCE QUE MES FRAIS FIXES SONT ENCORE LES MÊMES. »

– François Pineault

Les Québécois pourraient payer «entre 25% et 40% plus cher» s’ils souhaitent déguster un bon steak sur leurs barbecues dans les prochaines semaines.

« C’est assez spectacula­ire ce qu’on voit avec le prix du boeuf depuis la pandémie, mentionne l’expert en alimentati­on, Sylvain Charlebois. Depuis mars 2020, le prix a augmenté de façon constante. »

Et la raison de la hausse importante qui s’en vient est assez simple. Dans la dernière année, les fermes d’élevage ont réduit la taille de leurs troupeaux en raison des différents coûts qui ont explosé.

« Nourrir le bétail coûte de plus en plus cher, ajoute Charlebois. La dimension des troupeaux est la même que celle qu’on voyait en 1990. Il y a moins d’inventaire. »

Présenteme­nt, le prix du boeuf sur les marchés mondiaux est 11 % plus élevé que l’ancien record historique de 2014.

« À ce moment-là, plusieurs boucheries avaient fermé leurs portes. Aujourd’hui, on anticipe que ça va durer plus longtemps et que ça va faire plus mal aux boucheries indépendan­tes. »

UN COUP DUR

Les bouchers sont habitués aux hausses récurrente­s du prix du boeuf depuis quelques années. Toutefois, ils ne s’attendaien­t pas que celle de cette année soit si importante.

« Ça va faire mal, mentionne le propriétai­re de la boucherie et poissonner­ie Terre et Océan, Carlos Dighlawi. Les gens courent déjà après les spéciaux.

« Les hausses ont déjà commencé. J’ai déjà eu trois hausses pour le même kilo de boeuf haché dans le dernier mois. Toutefois, j’ai décidé de ne pas augmenter mes prix même si ma marge de profit est plus mince. Par contre, à un moment donné, je sais que je n’aurai pas le choix. »

Du côté de la boucherie Côté, on se questionne sur les hausses des dernières années.

« Ce n’est pas toutes les coupes qui augmentent en même temps, indique François Pineault, boucher associé. Depuis l’an dernier, ce fut la ronde [coupe la moins chère] qui a connu de bonnes hausses, mais on se demande tous pourquoi.

« Par exemple, on vendait plus cher notre steak Boston [meilleure qualité] moins cher que notre steak de ronde.

« Si on a une augmentati­on de 10 ou 25 %, je n’aurai pas le choix de la refiler à mon client parce que mes frais fixes sont encore les mêmes. »

Les deux bouchers croient que leurs clients ont de bonnes chances de se tourner vers les fruits de mer, la volaille ou le porc si le boeuf est trop cher. À l’heure actuelle, en raison de son prix abordable, le porc a plusieurs nouveaux adeptes.

LA TEMPÊTE DES TAUX D’INTÉRÊT

Pendant ce temps, dans les fermes d’élevage québécoise­s, ce n’est pas plus évident. Elles sont confrontée­s à la même réalité que leurs confrères canadiens et américains.

L’entretien de leur bétail est une grosse partie de leurs budgets. « Tout a augmenté comme le Diesel, l’engrais et les semences, mentionne Chantal Agnew de la ferme et boutique Bon Boeuf, à Saint-Chrysostom­e. Nos animaux mangent ce que nous récoltons sur nos terres, mais le coût et la location de la machinerie ont aussi beaucoup augmenté. »

Il y a un facteur qui met encore plus de pression sur les épaules des éleveurs: les taux d’intérêt.

« Pour le petit producteur qui a des emprunts, c’est un facteur important, ajoute celle qui a un troupeau de 200 têtes. C’est ce qui fait le plus mal présenteme­nt.

« Quand les taux sont passés de 2 à 7 %, ça a beaucoup joué sur nos marges de profit. On veut éviter de mettre le coût de nos intérêts sur le prix de nos produits à la boutique. On ne veut pas faire peur aux clients, mais on veut couvrir nos frais le plus possible. »

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PHOTO MATHIEU BOULAY François Pineault, boucher associé dans la Boucherie Côté de Boisbriand trouve qu’il se passe des choses difficiles à expliquer avec le prix du boeuf.

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