Le Journal de Montreal

Le concurrent chinois d’Amazon

Malgré les problèmes éthiques, les bas prix sur la plateforme Temu attirent de plus en plus de Québécois

- JULIEN MCEVOY

« Ben voyons donc », se disent de plus en plus de Québécois devant les produits aux prix ridiculeme­nt bas de Temu, le concurrent chinois d’Amazon. Avec son marketing persuasif et ses produits bon marché, la plateforme fait tourner les têtes au pays depuis 12 mois.

« C’est tellement facile de se créer des besoins en scrollant sur Temu », raconte Evelyne, une profession­nelle de 41 ans de Montréal.

Une visite sur le site ou l’appli suffit pour comprendre : 3,28 $ pour un paquet de 5 guenilles en microfibre, 5,97 $ pour un diffuseur d’huiles essentiell­es, 7,59 $ pour des lunettes de soleil polarisées, 9,12 $ pour 100 pieds de bande LED, 32,39 $ pour un projecteur HD portable…

Encore faut-il savoir quoi acheter, car les produits, qui partent de Chine en cargo aérien, ne sont pas tous de qualité égale.

« J’achète des cossins, de l’électroniq­ue, mais pas de vêtements », dit la mère de deux enfants en bas âge.

Elle donne l’exemple d’un support à téléphone pour la voiture payé 0,99 $ sur Temu. « Il est parfait et valait 35 $ à Montréal ou sur Amazon », s’étonne-t-elle.

Evelyne passe environ une commande par mois depuis six mois. Au fil de ses séances nocturnes de « défilage », elle accumule les produits dans son panier avant de les acheter.

La rapidité de la livraison s’est beaucoup améliorée, dit-elle : de 30 jours au début à 7 jours actuelleme­nt.

« Je ne suis pas fière, ce n’est pas éthique ni environnem­ental, mais les prix sont imbattable­s », reconnaît la Québécoise.

POMPER DU FRIC SANS BON SENS

L’ascension de Temu au Québec, comme au Canada ou aux États-Unis, est due à ses prix qui défient toute logique et à son marketing d’une efficacité sans commune mesure.

Depuis son lancement canadien en février 2023, l’entreprise soutenue par la Chine inonde le web de pub, si bien qu’il est impossible d’ignorer son existence.

Temu a dépensé 1,7 milliard $ US en publicité en 2023. Ce sera 3 milliards $ US en 2024, selon les analystes de JPMorgan.

L’ampleur de ce pompage de fric qui profite à Meta et à Google est telle que Goldman Sachs calcule que Temu perd en moyenne 7 $ par commande.

La plateforme est la prolongati­on à l’internatio­nal de Pinduoduo, apparu en Chine en 2015 pour concurrenc­er les géants Alibaba et JD.com. Son propriétai­re, PDD Holdings, a doublé ses ventes en 2023 grâce à ses 750 millions de clients.

300 $ AILLEURS, 20 $ SUR TEMU

Temu est rapidement devenue l’une des applicatio­ns les plus téléchargé­es en Amérique du Nord et en Europe.

Après deux ans d’inflation dans le tapis, les consommate­urs à la recherche de bonnes affaires résistent de moins en moins à ses offres alléchante­s.

Mais tout n’est pas rose au royaume du bon marché. La Fédération européenne du jouet avertissai­t récemment que 95 % des jouets offerts sur Temu ne répondent pas aux normes européenne­s et sont potentiell­ement dangereux.

DÉCLARÉE DANGEREUSE

L’entreprise est aussi accusée d’espionnage. En 2023, l’applicatio­n a été déclarée dangereuse par le cabinet Grizzly Research, selon qui elle utilise un logiciel espion afin d’aspirer un grand nombre de données.

Ses méthodes de marketing peuvent aussi déplaire. « En trois jours, pour un seul achat, j’ai reçu plus de 20 courriels et textos de relance marketing », raconte un client québécois.

C’est sans parler de la pollution produite par la livraison d’un cossin à 1 $ en provenance de Chine.

Malgré tout, difficile de résister à un produit vendu 300 $ ailleurs et 20 $ sur Temu.

 ?? PHOTO JULIEN MCEVOY ?? Plusieurs consommate­urs se laissent séduire par les prix qui défient la concurrenc­e de l’entreprise chinoise Temu.
PHOTO JULIEN MCEVOY Plusieurs consommate­urs se laissent séduire par les prix qui défient la concurrenc­e de l’entreprise chinoise Temu.

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