Le Journal de Montreal

Un deuxième emploi au McDo pour payer 20 000 $ de dettes

Une fonctionna­ire de 42 ans ne voulait pas « creuser sa tombe »

- GABRIEL CÔTÉ

Criblée de dettes, une fonctionna­ire de 42 ans a dû travailler à temps plein chez McDonald’s en plus de son emploi régulier pour se sortir la tête de l’eau. Et elle n’est pas la seule dans cette situation, alors que les Québécois sont de plus en plus nombreux à prendre un deuxième travail pour essayer de joindre les deux bouts.

« Je ne voulais pas creuser ma tombe encore plus, alors j’y suis allée… et puis c’était à juste deux minutes d’auto de chez moi », confie Émilie Gaumond au téléphone. Il y a cinq ans, elle s’est acheté une maison toute seule, « pas de conjoint, pas d’aide de parents et tout », mais les frais liés à l’entretien l’ont vite rattrapée et elle s’est trouvée aux prises avec une dette avoisinant les 20 000 $.

15 HEURES DE TRAVAIL PAR JOUR

« Je me suis pitchée là-dedans, ne sachant pas à quel point c’était dispendieu­x d’avoir une maison seule. Mon salaire ne pouvait pas couvrir la vie de tous les jours, plus une craque dans le solage », explique-t-elle.

Certaine de trouver facilement un deuxième emploi en raison de la pénurie de main-d’oeuvre, Émilie s’est mise à distribuer son curriculum vitae à gauche et à droite, mais en vain. « Quand tu dis que tu as déjà un emploi et que tu veux travailler les soirs et la fin de semaine, les gens ne sont pas tellement ouverts à ça, ils se disent qu’ils vont être les premiers à être flushés », se souvient la fonctionna­ire.

En février 2023, elle a finalement réussi à se faire embaucher quelque part, au McDonald’s de Repentigny. « Ça me faisait sept heures et demie le jour à mon emploi régulier, puis sept heures et demie de plus le soir. Je rentrais chez moi vers minuit, puis je prenais ma douche avant de dormir quelques heures, et de recommence­r. »

Cela aura pris dix mois, mais ses dettes sont aujourd’hui complèteme­nt effacées. « J’ai gagné 18 000 $ avec ma deuxième job, et j’ai réussi à combler la différence », se réjouit la fonctionna­ire.

Mais que fait-on du temps libre lorsqu’on cesse de travailler 15 heures par jour ?

J’ai un vieux, vieux chien à la maison, rigole-t-elle. Il vit à son rythme, pas au mien, et je veux passer du temps avec lui pendant qu’il est encore là.

La situation d’Émilie Gaumond est symptomati­que du fait que la journée de travail « ordinaire », de 9 h à 17 h, n’est plus la norme pour bien des gens à travers le monde.

TENDANCE

Au Québec seulement, 15 % des gens affirment avoir eu un revenu d’appoint dans la dernière année, comparativ­ement à seulement 13 % en 2022, selon un récent sondage d’Angus Reid mené pour le compte de H&R Block.

Et tout porte à croire que cette proportion va encore augmenter, car 12 % des Québécois envisagent de faire de même pour passer à travers les turbulence­s économique­s actuelles. Les raisons qui les motivent sont presque trop évidentes pour être énoncées : l’augmentati­on du coût de la vie fait qu’il est difficile d’assumer les dépenses courantes, au point que 24 % des gens ont du mal à payer leurs factures, selon le même coup de sonde.

« Voir ses finances partir dans le négatif, c’est anxiogène », témoigne Émilie Gaumond. « J’ai travaillé pour m’en sortir, mais pendant dix mois, le travail était toute ma vie, et tout le monde me parlait juste de ça. C’est un mode de vie qui peut faire pour un temps, mais ça ne peut pas durer toujours. Un moment donné, c’est nécessaire de ralentir la cadence. »

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PHOTO COURTOISIE Émilie Gaumond à l’extérieur de sa résidence qu’elle s’est achetée seule il y a cinq ans.

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